Ordre de l’excellence en éducation : des médailles pour qui ?

14 mars 2018

À l’annonce de la création de l’Ordre de l’excellence en éducation par le ministre Proulx, j’ai ressenti un vif malaise, comme c’est généralement le cas avec ce type de concours. Pourquoi la remise de médailles aux personnes ayant joué ou jouant un rôle important dans le domaine de l’éducation au Québec me heurte tant ?

L’un des objectifs de l’Ordre est de valoriser l’éducation, l’école et son personnel. Peut-être que ma réserve vient du fait que j’ai beaucoup de difficulté à associer valorisation, d’une part, et appauvrissement du réseau de l’éducation des dernières années, de l’autre.

Coupures drastiques, injections d’argent à la pièce, culture électoraliste sans vision d’ensemble pour le réseau public, alourdissement de la tâche, violence croissante, manque de services, trop de plans d’intervention pour une seule personne, impression du devoir non accompli, épuisement, gestion chaotique où on laisse entendre que les problèmes viennent des enseignantes et des enseignants et du personnel de soutien… Sur ces réalités quotidiennes du personnel de l’éducation, générées en grande partie par l’appauvrissement du réseau public, le ministre ne dit mot.

Puis, dans ma réflexion, j’ai évidemment lu le tout récent livre du ministre Proulx. Offrir une formation initiale menant à un diplôme de deuxième cycle, doter les enseignants d’un plan annuel de développement professionnel  et ramener la création d’un ordre professionnel, ce sont là les solutions « révolutionnaires »  du ministre de l’Éducation pour valoriser le personnel de l’éducation… Ces médailles commencent déjà à avoir un goût amer.

Dans son chapitre sur les enseignants, le ministre Proulx parle des devoirs et des obligations de ceux-ci pour ensuite aborder la formation initiale, la valorisation de la profession et l’ordre professionnel, tout ça en envoyant un fion sur les contraintes et les rigidités des conventions collectives ! Il fait certes, en début de chapitre, un préambule laudatif sur la noblesse de la profession  enseignante. «  Enseigner, ce n’est pas un métier comme les autres. » On le sait bien, la vocation a le dos large ! Beaucoup de devoirs, mais pas un mot sur la qualité du travail exceptionnel de celles et ceux qui, tous les jours, jouent un rôle essentiel dans la réussite des enfants.

Et le personnel de soutien ? Quelques vagues allusions à leur travail, surtout pour parler de la nécessité de décentraliser, mais sans jamais les nommer comme tel.

Puis, au chapitre IV, il aborde les écoles vivantes. Là, nous avons droit à une envolée dithyrambique du ministre envers les directions d’école. « J’ai eu la chance, comme ministre de l’Éducation,  de rencontrer des femmes et des hommes animés par ce désir d’entretenir le vivant dans les murs de nos écoles. Les directrices et directeurs des écoles du Québec. Brillants, fiers, allumés et dynamiques sont quelques-uns des qualificatifs qui me viennent en tête en me souvenant de certains visages. »

Voilà, en partie, la nature de mon malaise. Les cliquetis des médailles étourdissent et leur brillance fait jaser. Mais pendant ce temps, enseignantes et enseignants et personnel de soutien font leur travail du mieux qu’ils peuvent, dans l’intérêt des élèves, dans des conditions  difficiles.

Pour moi, ces médailles ne valent pas leur pesant d’or. D’office, nous devrions toutes et tous être membres de l’Ordre de l’excellence en éducation !

 

Mireille Proulx
Coordonnatrice