L’incohérence du lock-out dans les services publics

24 mai 2018

En relations de travail, la grève est considérée comme le geste ultime posé par les travailleuses et les travailleurs. Il en va de même pour l’employeur lorsqu’il décrète un lock-out. En d’autres mots, en rompant le processus de négociation par le lock-out, l’employeur impose aux travailleurs une perte de salaire, exerçant ainsi une pression énorme pour les amener à accepter ce qui, dans un processus normal, leur apparaissait comme inacceptable.

Le lock-out est prévu dans le Code du travail, mais il est surtout utilisé dans le secteur privé. Le calcul fait par l’entreprise est simple : en l’imposant, on cherche à étouffer et à saper le mouvement collectif des travailleurs dans le but d’imposer un contrat de travail qui fera plaisir aux investisseurs. Certes, les désagréments causés par la fermeture auront un impact sur les bénéfices de l’entreprise à court terme, mais ses effets à long terme seront bénéfiques pour les actionnaires.

On compte plusieurs cas de tels lock-out, celui de Vidéotron, en 2002, est un exemple tristement éloquent  ! Dix mois de conflit entre l’entreprise et les 2  200 employés syndiqués au Syndicat canadien de la fonction publique. Concessions dans les conditions de travail, recours accru et sans restriction à la sous-traitance et simplification du mouvement de main-d’œuvre et des mises à pied : le bras de fer imposé par l’employeur s’est finalement traduit en gains majeurs pour les actionnaires… La même recette sera appliquée, par le même employeur, en 2007, au Journal de Québec et, en 2009, au Journal de Montréal.

Les lock-out sont plus rares dans le secteur public. C’est d’ailleurs pour cette raison que celui imposé aux collègues de l’Université du Québec à Trois-Rivières est difficile à comprendre. Peu importe ce qu’on peut reprocher au syndicat dans son approche de la négociation, peu importe la situation économique de l’institution, ce lock-out ne se justifie d’aucune façon.

Plus encore, que la direction de l’Université prenne en otage les étudiants (avouons que c’est tentant de leur servir cette sauce-là !) et mette, volontairement, en péril leur session ne fait aucun sens.

Heureusement, les pressions politiques ont finalement eu raison du lock-out, avec en prime, la ministre de l’Enseigement supérieure sur les lignes de piquetage avec les profs ! L’image est si belle… et nous rappelle que la campagne électorale approche !

Il demeure toutefois intéressant de noter que le gouvernement actuel juge important de laisser la place à la négociation. Voilà qui est bon à savoir pour notre prochaine ronde de négociations… s’ils sont toujours au pouvoir, bien sûr !

Éric Gingras