Ras-le-bol d’être bénévole

28 novembre 2018

Le mercredi 21 novembre dernier, près de 60 000 étudiantes et étudiants étaient en grève, partout à travers le Québec, pour revendiquer la rémunération des stages.

En éducation, ce sujet ne date pas d’hier. Or, force est de constater qu’on assiste, en ce moment, à une véritable mobilisation de la communauté étudiante sur la question.

Rappelons brièvement qu’au printemps 2018, quelque 10 000 étudiantes et étudiants ont pris part à deux journées de grève et qu’une série d’actions de sensibilisation et de perturbation ont aussi eu lieu. Puis, en mars, le gouvernement du Québec annonçait l’octroi d’une compensation financière pour le stage final en enseignement.

Et pourtant, la mobilisation continue de plus belle. Il faut savoir que ce mouvement étudiant s’inscrit dans une mobilisation internationale, qui dépasse largement le milieu de l’éducation. Dans plusieurs secteurs d’activités, la précarisation du travail favorise le recours à des stagiaires pour fournir du travail qui devrait être fait par des salariés. Alors que les organisations syndicales dénoncent vertement la hausse de la précarité du travail, leur lutte mérite donc qu’on y prête attention.

Ajoutons aussi que les revendications vont bien au-delà de la simple compensation financière. Les étudiants réclament notamment une rémunération décente pour le travail fourni, une plus grande équité sociale quant à la rémunération des stages (compte tenu du fait que les milieux à prédominance féminine n’offrent bien souvent pas de stages rémunérés) ainsi que de meilleures protections en matière de santé et de sécurité du travail.

Anne-Sophie Hamel, étudiante en enseignement, et Alexandra Perreault, étudiante en techniques en éducation spécialisée, sont toutes deux impliquées au sein des Comités unitaires pour le travail étudiant (CUTE). Elles se sont adressées à l’assemblée des personnes déléguées de la section des Patriotes (soutien) du Syndicat de Champlain, le 19 novembre dernier, pour expliquer leurs revendications, faire état de leur lutte et répondre aux questions. À noter que des étudiants seront aussi présents à la prochaine assemblée des personnes déléguées des sections des Patriotes (enseignants), Marie-Victorin et Salaberry.

« On revendique un statut de travailleurs et de travailleuses. On ne veut pas juste une bourse qui pourrait disparaître après trois ou quatre ans, comme c’est le cas pour les internes en psychologie, par exemple. […] Ce qu’on reproche à la simple compensation financière, c’est son caractère aléatoire, au bon vouloir du gouvernement », a expliqué Anne-Sophie. Et elle est allée plus loin, soutenant que l’octroi d’une compensation pour le stage final en enseignement a été perçu comme une tactique du gouvernement pour tenter de désolidariser la mobilisation étudiante.

L’autre élément qui suscite beaucoup de discussions, c’est la question de la surreprésentation des femmes dans les stages non rémunérés : soins infirmiers, travail social, enseignement, techniques d’éducation spécialisée, services de garde, milieux communautaires, etc. Autrement dit, les professions et les corps d’emploi dans lesquels on prend soin des gens.

« C’est important pour nous d’ancrer cette lutte dans le mouvement féministe parce que ces professions dites féminines sont peu valorisées. On s’occupe des autres, il n’y a pas de production comme telle en bout de ligne, alors ces tâches ne sont pas bien reconnues. […] Ces milieux non valorisés dans notre société sont pourtant tenus à bout de bras par des femmes. On parle de vocation pour aider les autres et sans les femmes, ces secteurs s’écrouleraient et la société ne fonctionnerait pas », ont-elles fait valoir, précisant que la valorisation de ces professions commence dans les milieux de formation et donc, par la rémunération des stages. « Je ne vois pas en quoi un ingénieur est plus important qu’une enseignante ou une infirmière. »

Saviez-vous que la Loi des normes du travail ne protège pas les stagiaires ? Blessé pendant un stage, lorsque survient une grossesse, une maladie ou une mortalité, en situation d’harcèlement psychologique ou sexuel, etc. : l’étudiant qui doit mettre un terme à son stage ne bénéficie d’aucune protection. Autrement dit, s’il doit interrompre son stage, il devra le reprendre, bien souvent seulement l’année suivante. Et il devra débourser de nouveau pour payer les frais de cours.

Un dossier à suivre durant les prochains mois.

Maude Messier

Le sujet vous intéresse ? Pour plus de détails, visionnez nos entrevues avec Anne-Sophie Hamel et Alexandra Perreault. Les trois capsules vidéo sont disponibles ici.

Crédit photo : MADOC Studio