À propos de l’interdiction des signes religieux

24 avril 2019

Depuis quelques semaines, avant même que ne soit déposé le projet de loi sur la laïcité par le gouvernement caquiste, vous nous avez interpellés pour connaître la position de votre syn­dicat sur la question.

Sujet hautement sensible, nous vou­lions attendre de connaître la teneur exacte du projet de loi avant d’en dis­cuter. Spéculer sur des rumeurs n’aurait pas été sérieux de notre part.

Vous connaissez maintenant, comme nous, la direction qu’entend prendre le gouvernement. Les analyses et com­mentaires pleuvent dans les médias de tous les côtés. En tant qu’organisation syndicale, deux perspectives nous préoccupent spécialement : l’aspect social, certes, mais surtout, la perspec­tive syndicale. Parce que c’est ce qui nous définit d’abord et avant tout.

Le Syndicat a donc tenu une séance spéciale du conseil d’administration sur le sujet, le 8 avril dernier, qui a été sui-vie d’un conseil général extraordinaire de la CSQ, afin d’en discuter, cette fois, avec les collègues de partout au Qué­bec dans l’objectif d’en arriver à une position commune.

Soyons clairs : démocratiquement, un positionnement en faveur ou en défaveur d’un tel projet de loi néces-site une consultation auprès des membres. Mais les implications du PL no 21 commandent une grande pru­dence. Je m’explique.

Le document législatif comporte trois éléments centraux. Deux font peu de vagues, car ils font l’objet d’un large consensus dans l’opinion publique : l’affirmation de la laïcité de l’État et la nécessité de dispenser et de recevoir des services à visage découvert.

C’est plutôt sur le troisième élément, hautement médiatisé, soit l’interdiction de porter un signe religieux, notam­ment pour les enseignantes et les en­seignants, que nous avons dû nous pencher plus longuement.

La façon la plus simple d’établir une position syndicale aurait été de tran-cher la question en consultant les mem­bres : pour ou contre l’interdiction ?

Cela dit, pour une organisation syndi­cale, ce n’est pas aussi simple. Le Code du travail stipule clairement qu’un syn­dicat a l’obligation de représenter et de défendre tous ses membres et de ne pas agir de façon discriminatoire.

Mais d’un autre côté, faire valoir uniquement cette obligation de représentation pour nous prononcer contre toute interdiction et ainsi faire fi d’une possible majorité de membres en accord avec le projet de loi ne serait pas responsable ni démocratique.

C’est donc avec l’ensemble de ces éléments en tête que le conseil général de la CSQ et le Syndicat de Champlain font le choix de ne pas se position­ner dans le débat sur l’interdiction des signes religieux.

Bien représenter nos membres signi-fie aussi les consulter. Et dans ce cas précis, leur choix individuel légitime à titre de citoyens pourrait nous obliger à être en porte-à-faux avec nos obliga­tions légales de représentation. Nous abstenir nous apparaît donc la décision responsable. Il appartient à chacune et à chacun de se prononcer dans le débat public, ce que nous vous invitons vive­ment à faire.

Comme acteurs sociaux, les organisa­tions syndicales sont très souvent les premières à prendre la parole, à se po­sitionner et à revendiquer. Mais quand la situation l’impose, il faut savoir faire preuve de jugement, s’expliquer claire­ment à nos membres et prendre un pas de recul… pour rester crédibles, cohérents et pertinents.

Éric Gingras