Histoires de Noël

11 décembre 2019

Lors d’un party regroupant le personnel de soutien, organisé pour souligner les Fêtes, les conversations vont bon train ! Les gens arrivent, on leur offre un verre de punch et en échange, ils ne doivent pas parler travail… Un défi de taille !

Moi, Rodolphe, je me promène incognito et j’écoute attentivement les conversations des différents groupes. J’ai des pouvoirs magiques : je peux me faire très petit pour observer les gens. Et j’adore ça !

La promesse d’oublier l’école, le centre, les ateliers n’aura finalement duré que le temps de boire le punch ! Puis, lentement mais sûrement, chacun des petits groupes a commencé à discuter moins fort, pour que les autres n’entendent pas qu’ils jasent d’ouvrage ! Je ne sais pas pour vous, mais moi, je trouve ça bizarre lorsque le ton baisse au lieu de monter dans un party !

Je ris bien en vous le racontant, mais ce que j’ai entendu lors de cette soirée n’était pas drôle du tout.

Dans le premier groupe que j’ai surpris à jaser de job, il y avait une secrétaire qui racontait sa tâche : « En veux-tu des piles ? Passe par mon bureau ! Une pile pour les absences des enfants, une autre pour celles du personnel, une pile pour l’entrée de données, une pile pour les inscriptions, une trousse de premiers soins pour soigner les bobos, un casier de clés pour celles qui ont été oubliées, volées, perdues, retrouvées. Une chaise pour l’élève qui ne se sent pas bien ou qu’on a dû sortir d’une classe quand ma direction est absente, un téléphone pour appeler les parents. Veux-tu que je continue ? On va en avoir pour la soirée ! C’est fou ce que je suis fatiguée. J’ai l’impression de toujours courir… »

Ouin, on n’a plus les discussions de party qu’on avait… Je poursuis mon chemin, vers un autre groupe, au fond de la salle. « Moi, je travaille à la commission scolaire. T’sé, le secteur administratif ? Là où tous les gouvernements successifs pensent que les gens sont assis à ne rien faire. Et pourtant, je peux vous dire que les exigences pour chacun des postes sont de plus en plus pointues. Et la formation reste peu accessible et les places sont limitées. Les nouvelles orientations de la commission scolaire amènent des réorganisations de services et les premiers concernés n’ont pas toujours les informations nécessaires. De la frustration que tu dis ? J’haïs ça ne pas être capable de répondre ou d’appliquer adéquatement les nouvelles exigences de l’employeur. J’ai tellement l’impression qu’on ne me respecte pas… »

« Moi, je suis un ouvrier spécialisé. À chaque négo, on doit se battre pour conserver la prime d’attraction. Comment ça se fait ? Les postes sont difficiles à combler, le salaire n’est pas compétitif. Il y a de grosses sommes d’argent envoyées dans les écoles, mais faute de candidatures, les postes sont donnés en sous-traitance. Parle-moi pas de valorisation ! Y’en a pu. Pis j’te jure, fais pas une erreur, parce que la mesure disciplinaire va arriver avant que tu aies fini ton quart de travail ! J’ai tellement l’impression qu’on ne me respecte pas… »

« Ce n’est pas pour vous relancer, mais moi, avec la pénurie d’éducatrices en service de garde, je suis sur le téléphone toute la journée, et, trop souvent, je ne trouve pas tout mon monde. Qui prend le groupe alors, vous pensez ? C’est moi. Les journées sont longues et c’est toujours à recommencer. Pour me donner un coup de main, les éducatrices acceptent d’augmenter le nombre d’enfants dans leur groupe, ce n’est pas drôle pour elles non plus. En plus, il y a comme une magie qui s’opère lorsque les enfants arrivent au service de garde : chez nous, les codes de difficulté disparaissent ! On n’a pas assez d’heures de préparation. Il faut partager les locaux entre nous et celles qui n’en ont pas doivent négocier avec les enseignantes. Et, à travers tout ça, on doit animer des ateliers ! J’ai tellement l’impression qu’on ne nous respecte pas… »

« Ouain. Moi, mon petit nom, c’est l’éteigneuse de feux. J’ai tellement d’élèves à suivre, tellement de plans d’intervention où mon nom apparaît. Mais nous sommes seulement deux TES dans l’école. Je vous rappelle qu’il y a un sacré paquet d’élèves qui ont des PI. Jeudi dernier, j’ai dû faire trois arrêts d’agir : 20, 35 et 50 minutes à tenir chacun des enfants dans la même position pour qu’ils ne blessent personne, dont eux-mêmes, et à recevoir des coups de pied, de poing, de tête… Avant, j’agissais en prévention. Là, je suis toujours dans l’urgence. J’ai l’impression de toujours courir… »

« Moi je suis TTP, parlez-moi pas d’équité ! Savez-vous c’est quoi une TTP ? C’est une technicienne en travaux pratiques. Je fais la démonstration, donne les consignes, conseille, guide et surveille les élèves dans le déroulement de travaux pratiques. Je vois au respect des consignes données et des règles de sécurité dans l’utilisation du matériel mis à la disposition des élèves, notamment les produits dangereux, les outils et les machines-outils. Mes tâches ont beaucoup changé, mais mon rangement, lui, ne reflète pas le niveau de difficulté de mon travail. J’ai tellement l’impression qu’on ne me respecte pas… »

Ouf ! J’en connais un qui aura beaucoup d’ouvrage cette année… et oui, je parle bien du Père Noël ! ;o)

Mireille Proulx
Coordonnatrice