Projet de loi 105

15 janvier 2018

Au cours de l’année 2018-2019, les écoles et les centres devront entamer le processus de révision de leur projet éducatif, en effet, le plan de réussite et la convention de gestion et de réussite éducative seront supprimés.

Avec l’application de la Loi modifiant la Loi sur l’instruction publique (no 105), le premier projet éducatif devra être préparé afin d’être en vigueur au plus tard un an suivant la prise d’effet du plan d’engagement de la commission scolaire, soit en juillet 2019.

Le personnel est appelé à participer de diverses manières à l’élaboration, à la réalisation et à l’évaluation du projet éducatif.

L’information qui suit est également destinée aux membres représentants du personnel siégeant aux conseils d’établissement des écoles et des centres puisque le conseil est responsable de l’adoption du projet éducatif, pièce maîtresse qui guide l’exercice de leurs fonctions.

Pour pouvoir procéder à l’élaboration du projet éducatif, le conseil d’établissement devra avoir en main le plan d’engagement de la commission scolaire.

Ce qu’il faut savoir

Comme auparavant, le projet éducatif contient les orientations propres à l’école et au centre et les objectifs retenus pour améliorer la réussite des élèves. On y ajoute toutefois des éléments nouveaux (art. 37) :

  • Le contexte dans lequel l’établissement évolue et les principaux enjeux auxquels il est confronté, notamment en matière de réussite scolaire;
  • Les enjeux auxquels il est confronté en matière d’adéquation entre la formation et les besoins régionaux et nationaux de main-d’œuvre, dans le cas des centres de formation professionnelle;
  • Les cibles visées au terme de la période couverte par le projet éducatif;
  • Les indicateurs utilisés pour mesurer l’atteinte des objectifs et des cibles visées;
  • La périodicité de l’évaluation du projet éducatif déterminée en collaboration avec la commission scolaire.

Une attention particulière devra être portée aux cibles qui seront inscrites au projet éducatif pour s’assurer qu’elles sont réalistes. Car malheureusement, la démarche actuelle peut avoir pour effet de renforcer l’obligation de résultats pour les établissements.

Ainsi, les écoles et les centres n’ont pas comme seule mission d’instruire, mais aussi de socialiser et de qualifier. Ils doivent contribuer à former des personnes dans toutes leurs dimensions. Le projet éducatif devra refléter cette mission large de l’école et non pas se réduire à l’atteinte de cibles chiffrées.

De plus, il faut rappeler que les moyens et les ressources nécessaires pour soutenir l’atteinte de ces cibles doivent être au rendez-vous et que l’école n’est pas l’unique responsable de la réussite. L’établissement n’exerce aucun contrôle sur plusieurs éléments déterminants de la réussite comme la quantité de ressources dont il dispose ou encore l’origine socio-culturelle des élèves qui le fréquentent.

Les moyens maintenant

Dorénavant, les moyens retenus pour atteindre les objectifs et les cibles visées par le projet éducatif seront approuvés par la direction d’établissement sur proposition des membres du personnel (art. 96.15), comme c’est le cas, par exemple, pour les normes et les modalités d’évaluation des apprentissages.

C’est donc dire que la direction ne peut pas faire de proposition. Elle ne peut qu’accepter ou refuser la proposition du personnel, sans possibilité de la modifier. Dans le cas d’un refus, la direction devra en donner les motifs. Il reviendra ensuite au personnel de faire une nouvelle proposition à la direction. Le choix des moyens demeure la prérogative du personnel.

À compter du 1er juillet 2018, le personnel aura 30 jours pour soumettre sa proposition à partir de la date à laquelle la direction de l’école en fait la demande, à défaut de quoi la direction peut agir sans cette proposition.

C’est sur la base du projet éducatif de l’école que devra être élaborée la proposition du personnel concernant les moyens de mise en œuvre du projet.

Le projet éducatif doit être transmis à la commission scolaire 60 à 90 jours avant sa prise d’effet.

À retenir: 

• Analyse de la situation de l’école, s’il y a lieu : Le personnel y participe.
• Révision du projet éducatif : Le personnel y participe.
• Adoption du projet éducatif par le conseil d’établissement : Le personnel y est présent.
• Moyens de mise en œuvre du projet éducatif proposés par le personnel à la direction d’établissement (en 2019, après l’adoption du projet éducatif).

 

Mireille Proulx
(À partir de la documentation de la CSQ)


En novembre 2016, le gouverne­ment du Québec sanctionnait le projet de loi no105, apportant ainsi des changements importants à la Loi sur l’instruction publique, surtout en matière de gouvernance scolaire. Dans une série de trois articles, nous étudierons ces changements ainsi que leurs répercussions sur notre travail au quotidien.

Des changements en matière de gouvernance scolaire

Un peu d’histoire s’impose

En 2000, le gouvernement du Québec adoptait la Loi sur l’administration publique (A-6.01), qui introduisait la gestion axée sur l’atteinte de résultats (GAR). Deux ans plus tard, le projet de loi no124 rendait la Loi sur l’instruction publique (LIP) conforme à la Loi sur l’administration publique en im­plantant un processus de reddition de comptes. En 2008, le projet de loi no88 formalisait davantage la GAR en éducation via l’imposition des cibles mesurables chiffrées dans le processus de reddition de comptes. À l’époque, les syndicats s’étaient mobilisés pour dénoncer la vision comptable de l’éducation qu’implantait ce projet de loi.

Puis, en 2015, la question des fu­sions de commissions scolaires refait surface avec le projet de loi no86, lequel a finalement été abandonné. Le gouvernement a donc fait marche arrière, mais il est revenu avec l’adoption rapide du projet de loio105, dans lequel il impose plusieurs changements dans l’organisation et la gouvernance des com­missions scolaires.

Concentrer les pouvoirs et décentraliser les budgets

Premièrement, le projet de loi concentre davantage de pouvoirs entre les mains du ministre de l’Éducation. Ce dernier peut outre­passer les structures démocratiques intermédiaires que sont les commis­sions scolaires et transférer de nou­velles responsabilités directement aux établissements.

Prenons par exemple la décentralisa­tion de certaines mesures budgétaires. Le ministre n’a pas attendu l’adoption du projet de loi avant de transférer des sommes dans les établissements, en l’occurrence la mesure 30170. Rap­pelons que dans le contexte d’austérité des dernières années, le milieu scolaire a subi des coupures de près de 1 milliard de dollars. Les nombreuses suppressions de postes ont eu pour effet de diminuer les services offerts aux élèves et de générer une surcharge de travail sur l’ensemble du personnel scolaire.

Ces sommes découlant de la mesure 30170, décentralisées directement dans les établissements, devraient donc logiquement servir à l’embauche de per­sonnel scolaire.

Une mise en garde s’impose ici quant à la prolifération de projets de tout acabit venant du secteur privé. Il faut rester vigilant et s’assurer que les établissements ne soient pas tentés d’utiliser ces sommes pour recourir à des partenaires externes au détriment du personnel qualifié dans nos établissements.

Ces organismes n’ont pas les mêmes rôles, missions, mandats et responsabili­tés que le personnel scolaire et le recours à leurs services devrait se faire dans une perspective de complémentarité et non de remplacement des services.

Deuxièmement, le ministre de l’Éducation introduit le principe de sub­sidiarité dans la gouvernance scolaire, mais en y modifiant la définition. En effet, utilisé dans sa version originale, le principe de subsidiarité obligeait les commissions scolaires à une décentrali­sation importante de l’organisation des services et des budgets vers les établisse­ments. Mais, suite au travail fait en commission parlementaire, la définition incluse dans le projet de loi a été modi­fiée pour permettre à une commission scolaire de déterminer où se situe le « niveau approprié d’autorité ». Celles qui désirent maintenir une organisa­tion centralisée pourront donc le faire dans une certaine mesure.

Même si nous croyons que les établissements sont les premiers à connaître les besoins de leur milieu, il est important de conserver une vue d’ensemble sur les services offerts afin de s’assurer de l’égalité des chances de tous les élèves et adultes en forma­tion. Nous reviendrons plus en détails sur cet aspect dans un texte ultérieur.

Bien que nous saluons l’engagement du ministre à réinvestir en éducation, nous restons prudents quant au pouvoir de décentralisation qu’il s’octroie dans le nouveau projet de loi. Il faut reconnaître l’importance de maintenir une organisa­tion centralisée des services afin d’avoir une vision d’ensemble des ressources et des besoins. Une trop grande décentrali­sation pourrait avoir des effets sur la con­tinuité des services offerts ainsi que sur la stabilité du personnel en poste.

Comme le disait Winston Churchill : « Il n’y a rien de négatif dans le change­ment, si c’est dans la bonne direction. »

Pour plus d’informations dès maintenant, vous pouvez :

Nouveaux mécanismes de reddition de comptes

Nous continuons notre série d’articles sur les modifications apportées à la Loi sur l’instruction publique (LIP) par le projet de loi no 105 en étudiant les changements au processus de planification et de reddition de comptes.

Rappelons tout d’abord qu’avec la Nouvelle gestion publique, le gouvernement a implanté une vision comptable de l’éducation, en imposant l’atteinte de cibles chiffrées pour mesurer le taux de diplomation. Les organisations syndicales ont toujours décrié cette vision étroite de l’éducation, en insistant sur le fait que la réussite éducative des élèves va bien au-delà de statistiques à court terme. Globalement, le PL no 105 n’apporte pas de solutions concrètes à la réussite éducative, mais plutôt un remaniement des outils de gestion dans le but d’en simplifier la reddition de comptes.

D’entrée de jeu, il est important de souligner que le ministre Proulx n’insiste plus sur l’atteinte de cibles chiffrées mais bien de cibles visées. De plus, la notion de taux de diplomation est maintenant remplacée par le taux de réussite.

Un plan d’engagement vers la réussite

Pour les commissions scolaires, la convention de partenariat et le plan stratégique sont maintenant rem- placés par un plan d’engagement vers la réussite. Ce dernier devra contenir le contexte dans lequel la commission scolaire évolue, les orientations et les objectifs retenus, les cibles visées ainsi que les indicateurs pour en déterminer l’atteinte. Le plan d’engagement doit être cohérent avec le plan stratégique du ministre de l’Éducation. Or, le projet de loi est muet quant au moment où le ministre doit le déposer. Soulignons ici que le dernier plan stratégique date de 2013, et que six ministres ont occupé ce poste depuis !

Plusieurs commissions scolaires ont déjà entamé le processus de consultation afin de dresser le portrait de leur milieu. Dans certains cas, une consultation publique est entreprise sous forme de rencontres d’échanges, permettant ainsi aux personnes impliquées d’intervenir sur les éléments qu’ils considèrent comme pertinents afin de favoriser la réussite éducative.

Par contre, ce processus prend du temps et demande aux différents acteurs du milieu scolaire de se concerter. Il faut bien plus qu’une analyse de sondage afin d’établir un portrait du contexte de même que les caractéristiques et objectifs de son milieu.

Il va sans dire que nous défendons une vision de l’éducation en phase avec les besoins des élèves et des adultes en formation, et que cette vision devrait également être respectueuse des besoins du personnel scolaire. Le plan d’engagement de la commission scolaire doit prendre effet le 1er juillet 2018.

Un projet éducatif pour les écoles et les centres

Dans les établissements, le processus de reddition de comptes a également été simplifié. À partir de juillet 2019, le plan de réussite et la convention de gestion tombent et n’est conservé que le projet éducatif de l’école, qui devra être révisé.

Dans les centres, par contre, les orientations sont remplacées par le projet éducatif, qui devra quant à lui, être rédigé.

C’est le conseil d’établissement qui est responsable de la réalisation et de l’évaluation du projet éducatif. Ce dernier devra contenir le contexte dans lequel l’école évolue, les principaux en- jeux sur le plan de la réussite ainsi que les cibles à atteindre. Il faut garder en tête que l’école n’est pas l’unique responsable de la réussite et que son contrôle sur certains facteurs est restreint. C’est le cas pour l’organisation des services, qui est tributaire d’un ensemble de facteurs qui échappent souvent à l’établissement.

Des moyens de mise en œuvre

Les enseignants et les membres du personnel de soutien et professionnel devront se concerter afin d’élaborer une proposition de moyens pour atteindre les objectifs et les cibles visées dans le projet éducatif. La proposition devra être basée sur ce projet éducatif. Les membres du personnel seront donc appelés à travailler sur cette proposition à partir de septembre 2019. Il faudra être vigilants pour ne pas s’imposer des cibles sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle. Il ne faut pas mettre l’accent sur les résultats quand les moyens et les ressources ne sont pas à la hauteur des besoins.

Le projet de loi no105 vient donc consolider la gestion par statistiques du gouvernement, sans toutefois influer grandement sur la réussite éducative. Il est essentiel que les commissions scolaires et les directions d’établissement s’appuient sur l’expertise du personnel de l’éducation pour l’élaboration du plan d’engagement et du projet éducatif, car c’est lui qui accompagne chaque jour les élèves et les adultes en formation.

Un financement adéquat devra être au rendez-vous afin que le personnel puisse travailler dans les meilleures conditions possibles et qu’il ne porte pas seul la responsabilité de la réussite.

« Nous devons accepter le changement mais conserver nos principes. » – Jimmy Carter, 39e président des États-Unis.

Modifications à la LIP et dérives anticipées

Pour ce faire, il impose la mise sur pied d’un comité de distribution des ressources au niveau de la commission scolaire, formé majoritairement de directions d’établissement.

Il faut se questionner sur l’interaction entre ce comité et le comité paritaire EHDAA, comité conventionné par l’entente nationale. Le rôle de ces deux comités est de faire des recommandations quant à la gestion des budgets et à la répartition des services éducatifs complémentaires et autres services professionnels. Mais il faut considérer ici le comité paritaire comme une instance spécialisée sur une portion du budget. Le comité de répartition des ressources devra donc tenir compte des recommandations du comité paritaire quant à la distribution des budgets et des ressources spécifiques aux EHDAA dans les établissements.

Finalement, à partir de septembre prochain, il sera possible d’élire des membres substituts au conseil d’établissement. Nous accueillons favorablement cette nouveauté, car elle permettra de maintenir la représentativité de chacune des parties lors des discussions et de la prise de décision. Cette mesure favorise plus particulièrement le personnel de soutien et professionnel qui ne détient que très peu de sièges au conseil d’établissement. Il sera important d’établir une bonne communication entre les différents membres élus afin de s’assurer du suivi des dossiers.

Les dérives possibles…

Même si le ministre Proulx ne parle plus de cibles chiffrées mais plutôt de cibles visées, il faut tout de même rester prudents quant aux dérives possibles en lien avec la Gestion axée sur les résultats.

Il en a d’ailleurs été abondamment question au cours des dernières semaines, avec les modifications des notes des évaluations ministérielles ainsi que dans les établissements. Nous tenons à rappeler que ce sont les enseignants qui détiennent les compétences et le jugement pour évaluer et attribuer les notes aux élèves et que c’est une intrusion directe dans l’autonomie professionnelle que de modifier ces résultats.

Il faut aussi porter une attention particulière à l’implantation de pratiques pédagogiques novatrices. Bien qu’il soit louable d’essayer de nouvelles pratiques pédagogiques, l’implantation de ces dernières relève de l’autonomie professionnelle de l’enseignant et doit se faire sur une base individuelle et volontaire. C’est pour cette raison qu’il est fortement déconseillé de les inclure dans le projet éducatif ou dans la proposition des moyens que les enseignants devront déposer à la direction à partir de l’automne 2019. Une autre dérive possible de la Gestion axée sur les résultats est l’exclusion de certains élèves des calculs statistiques. Pour obtenir des statistiques de réussite scolaire plus reluisantes, certains pourraient être tentés de retirer des calculs certains élèves ayant des difficultés. Mais il faut se rappeler que d’établir un portrait réel de la classe permet de demander un financement adéquat et les ressources nécessaires à la réussite de tous.

Un travail d’équipe

L’implantation du projet de loi no105 se fera de façon progressive, d’ici la fin de 2019. Le personnel enseignant, de soutien et professionnel sera mis à contribution tout au long de cette implantation. Il est donc primordial de continuer à se concerter afin de prendre en compte les réalités de chaque catégorie de personnel œuvrant dans les établissements.

C’est pour cette raison que nous devons nous assurer de respecter la composition des comités consultatifs, plus particulièrement ceux où plusieurs catégories de personnel sont invitées à siéger. Pour reprendre les paroles d’Isaac Newton : « Lorsque deux forces sont jointes, leur efficacité est double ».