Le potentiel lucratif du marché de l’éducation

9 septembre 2019

Le Québec est actuellement dirigé par un gouvernement caquiste dont le premier ministre, François Legault, est un homme d’affaires avec une vision de la gouvernance des services publics qui ressemble beaucoup à celle qui prévaut dans les milieux privés. Il gouverne donc en ayant en tête les trois « E » : efficacité, efficience et économie.

Mais cette vision néolibérale n’est pas nouvelle. À la fin des années 1970, c’est Margaret Thatcher qui a instauré la réforme de l’administration publique britannique. Plusieurs autres pays ont, par la suite, pris la balle au bond. Et c’est ainsi, notamment, que la sous-traitance s’est immiscée dans le milieu scolaire. Sous le prétexte de générer d’importantes économies, des commissions scolaires ont donné en contrats des parties de gestion, telles les cafétérias des écoles secondaires, ou encore la conciergerie. Pensons également au projet Lab-École, auquel le gouvernement précédent a donné le mandat de « penser l’école de demain ».

Coïncidence, la semaine dernière, nous apprenions que Québec rapatrie des pouvoirs qui appartenaient, entre autres, aux commissions scolaires, comme la construction et l’agrandissement d’écoles. Dans une missive envoyée aux commissions scolaires cet été, on apprend qu’à l’avenir, le ministère de l’Éducation prendra sous son aile plusieurs tâches. Lesquelles ? Pour les donner à qui ?

La transformation des commissions scolaires, qui semble déjà bien commencée, permettra-t-elle au gouvernement de rapatrier et de sous-contracter des services tels que l’informatique, le transport, la gestion de la paie et la conciergerie à des entreprises privées ?

Le Plan d’action numérique en éducation est un chantier qui attirera les entreprises commerciales éducatives. La saga des tableaux blancs en est un « bon » exemple.

Déjà, dans le secteur de la formation professionnelle et de la formation aux adultes, les budgets sont tellement minimaux que des petits centres se tournent vers des organismes tels que les carrefours jeunesse-emploi. Les services aux élèves sont minimes voire inexistants. À force d’affamer ces secteurs, les commissions scolaires et les centres doivent maintenant se tourner vers l’expertise extérieure.

Pour la formation aux adultes, des commissions scolaires ont signé des contrats avec des groupes communautaires pour leurs cours d’alphabétisation. La plateforme ChallengeU en est un autre exemple : des services d’enseignement à distance sont donnés par des firmes externes à moindre coût pour les commissions scolaires. Les enseignants deviennent des travailleurs autonomes sans avantages et dont le salaire est beaucoup moins élevé. Oui, oui, au Québec ! Pourquoi parler de sous-traitance aujourd’hui ? Parce que les effets de la guerre commerciale que se livrent les États-Unis et la Chine commencent à se faire sentir et le spectre d’une récession pointe à l’horizon.

Et les périodes de stress budgétaire réactivent fortement ce penchant à concevoir la gestion des services publics comme on le ferait au privé. Il est alors plus facile pour un gouvernement d’imposer la sous-traitance dans les milieux de l’éducation ou de la santé.

Le gouvernement actuel pourrait-il être tenté d’agir ainsi ? Sera-t-il tenté de brandir la menace d’une récession éventuelle pour reléguer des pans de l’éducation au privé ? L’avenir le dira. Une chose est certaine : pour faire reculer un gouvernement, il devient important que la population se rallie, comme l’a fait le mouvement « Je protège mon école publique ». Dans cet ordre d’idées, il sera impératif d’être présents et actifs lors de la prochaine négo.

Mireille Proulx
Coordonnatrice