J’ai une dent contre le gouvernement

6 octobre 2022

« Venez Arnaud et Arthur, c’est à votre tour de vous brosser les dents. Deux minutes, top chrono. On arrête de pousser en arrière, vous aurez votre tour.  Adèle, j’ai dit pas de chamaillage, c’est déjà assez long comme ça! Vous n’aurez pas le temps de tous passer pendant la récréation. Vous pensiez aller jouer dehors? Oubliez ça, on n’aura pas le temps. Bon, je ne vous ai pas vus vous brosser les dents les garçons. Recommencez! »

Comme moi, vous avez certainement lu ou entendu les nouvelles de la semaine dernière sur l’obligation qui viendra bien assez vite de superviser les brossages de dents des élèves des écoles primaires. Les enseignants seront les responsables de cette nouvelle tâche auprès des élèves du préscolaire et ce sont les éducatrices en SDG qui le seront auprès des élèves de la 1re à la 6e année.

Bien que le Programme québécois de brossage supervisé des dents avec un dentifrice fluoré (oui, oui, c’est le nom!) ait été mis sur pied en 2017 par le ministère de la Santé et des Services sociaux, son application a été retardée, entre autres, à cause de la pandémie. Seul point positif de la pandémie peut-être…

Quel est le but recherché ? Que 80 % des élèves se brossent les dents au moins une fois par jour et qu’un adulte s’assure qu’il se lave les mains, qu’il se brosse les dents, qu’il utilise un dentifrice fluoré, que sa brosse à dents ne touche pas à celle d’un autre élève, bien qu’il puisse se retrouver avec un autre élève au lavabo et enfin, qu’il se lave les mains à nouveau.

La goutte qui fait déborder le lavabo

Noble cause? Bien sûr. Qui peut être contre le brossage de dents? Personne! Toutefois, les éducatrices en service de garde, les enseignants, les directions d’école et même les parents sont contre la supervision de celui-ci. Les acteurs de l’éducation se cassent déjà les dents sur la lourdeur créée par la pénurie de personnel. Cet ajout, c’est la goutte qui fait déborder le lavabo que plusieurs écoles n’auront pas en quantité suffisante.

Une fois de plus, quand quelque chose ne fonctionne pas chez les jeunes enfants, on garroche ça dans la cour de l’éducation. Rappelons-nous les cours de natation pour diminuer le nombre de noyades, l’orientation scolaire et professionnelle, l’éducation à la sexualité, l’exercice physique 30 minutes par jour et maintenant le brossage de dents pour diminuer le nombre de caries chez les jeunes.

Toutes ces nouveautés annoncées, qu’elles se soient déployées ou non (natation), en ajoutent sur les tâches du personnel de l’éducation. Prise seule, tout le monde peut se dire que ce n’est qu’une mesure supplémentaire. Mais les tâches sont à ras bord et, régulièrement, voire quotidiennement, des employés quittent le milieu de l’éducation. Doit-on le rappeler?

Ces tâches supplémentaires devraient être, en réalité, accomplies par les parents. Quand j’entends des personnes du ministère de la Santé dire que ce sont des tâches partagées par la société, je grince des dents. Sur quoi devrons-nous nous substituer la prochaine fois? Le bain une fois par jour? Aborder le domaine de la sexualité, les différents métiers qui pourraient intéresser les enfants ou le brossage de dents, ça devrait se faire à la maison. À force de se substituer aux parents, on ne règle pas les problèmes.

La cour est pleine

Si ce problème est tellement important, le gouvernement devrait mettre en place des publicités qui en feront comprendre la plus-value aujourd’hui et plus tard. Qu’il offre des brosses à dents et du dentifrice fluoré aux enfants 4 fois par année. Qu’il engage des hygiénistes ou qu’il les transfère du domaine de la santé ponctuellement pour qu’elles expliquent comment bien se brosse les dents, les bienfaits de celui-ci, etc. Pas certaine qu’elles seront contentes non plus.

Nous espérons donc que nos CSS respectifs et les directions des écoles primaires entérineront cette orientation : le brossage de dents supervisé par le personnel scolaire, c’est non; la cour est pleine!

 

Mireille Proulx,
Coordonnatrice