LETTRE OUVERTE | Quand la CAQ s’ingère dans le syndicalisme pour aller contre le bien commun

28 octobre 2025

LETTRE OUVERTE

PUBLIÉE PAR LE DEVOIR

LE 28 OCTOBRE 2025

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Adoptés ce printemps par le gouvernement Legault, les projets de loi 100 (pour restreindre la capacité de négociation des syndicats) et 89 (pour atténuer le droit de grève) ont donné le ton. La Coalition avenir Québec (CAQ) compte casser du sucre sur le dos des syndicats pour dévier le regard de l’électorat de ses multiples frasques.

Extrêmement impopulaire, le gouvernement tente de fédérer derrière lui des appuis plus à droite en brandissant des épouvantails antisyndicaux à coups d’étiquettes mensongères et de mépris ouvert. Malgré les résultats de l’étude commandée récemment par la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) qui révèle que seulement 1 % des Québécois considèrent la réforme du régime syndical comme étant une priorité, la CAQ l’annonce tout de même en grande pompe et contraindra ainsi les associations de travailleurs à agir dans un cadre précisément défini dans l’utilisation de leurs cotisations.

Le tout sous prétexte qu’une pseudo-modernisation est nécessaire.

Selon le gouvernement, les syndicats auraient besoin de sa mainmise pour démontrer plus de transparence et pour être davantage confinés dans un registre d’action qu’il prescrit. Évidemment, son mobile se base sur de faux constats. C’est d’une mauvaise foi flagrante et c’est hautement préoccupant pour la démocratie québécoise. Il s’agit d’une ingérence qui est absolument inacceptable et préjudiciable pour les contre-pouvoirs qui sont pourtant essentiels à la défense du bien commun.

Que la CAQ le veuille ou non, la réalité est, qu’au Québec, les syndicats sont gouvernés par des démocraties participatives très actives où la transparence est la norme.

Comme président d’un syndicat représentant plus de 13 500 enseignants et membres du personnel de soutien scolaire, j’ai constaté à maintes reprises à quel point tous les leviers sont importants pour obtenir des gains pour les travailleurs et pour faire évoluer des causes sociales criantes. Par exemple, je peux citer l’augmentation salariale de 17,4 %, sur cinq ans, pour les travailleurs du secteur public. Il y a également les gains en matière de droits parentaux et d’équité salariale qui méritent grandement d’être mentionnés. Il est fort probable que si les syndicats n’avaient pas disposé de l’ensemble de leurs rapports de force, ces victoires n’auraient jamais été célébrées.

Il y a aussi le travail fait en collaboration avec les ministères. Les syndicats, qui regroupent plus de 40 % des travailleurs québécois, et qui, depuis des décennies, compilent toutes les informations pouvant permettre une représentation digne de leurs membres, possèdent une expertise variée de très grande valeur. Le protocole de prévention de la violence en milieu scolaire qui vient tout juste d’être déployé en est une démonstration éloquente. Il est le fruit d’un travail collaboratif colossal entre le gouvernement du Québec et plusieurs partenaires, dont la CSQ et ses trois fédérations du secteur scolaire.

Les Québécois n’ont rien à gagner du fait que le gouvernement sabre dans la capacité d’action des syndicats, au contraire.

Il sera immensément important, au cours des prochains jours, de faire comprendre à la CAQ que le Québec ne lui permettra pas d’imposer une vision unique au détriment des travailleurs dans les négociations et face aux enjeux sociaux qui touchent l’ensemble de notre collectivité. Les syndicats représentent un contre-pouvoir important, une voix démocratique accessible à tous. Ils doivent pouvoir agir librement partout où les intérêts de leurs membres et du bien commun sont en jeu, sans entraves dictées par un gouvernement guidé par ses intérêts électoralistes. C’est davantage ce dernier qui devrait se questionner sur son éthique démocratique. Rappelons que la CAQ ne se prive pas pour dicter ses lois idéologiques en muselant l’opposition avec des bâillons.

Messieurs Legault et Boulet, vous dites que votre projet de loi n’est pas contre les syndicats, mais pour les syndiqués ? Je vous rappelle une évidence qui semble vous échapper : les syndicats sont les syndiqués. On ne peut pas défendre les uns en affaiblissant les autres.

Jean-François Guilbault

Président du Syndicat de Champlain


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