Publicité mal ficelée pour une école alternative

29 mars 2018

La semaine dernière, je suis «  tombée  » sur la publicité d’une rencontre d’information pour une école alternative à Beauharnois. Et à la lecture de celle-ci, je suis tombée en bas de ma  chaise… On pouvait y lire  : « L’école alternative ne se limite pas qu’aux programmes et aux livres, mais encore ! Nous vous invitons à venir découvrir ce type d’école qui préfère une tête bien FAITE à une tête bien PLEINE. » Qu’est-ce à dire ?
Que les enseignantes et les enseignants des écoles dites ordinaires ne font que remplir des têtes comme on remplirait des cruches ? Est-ce bien là ce que sous-entend cette phrase ?

Affirmer de tels propos dans le monde de l’éducation, c’est renier ce qui, depuis des décennies, a fait le Québec. C’est déprécier la qualité de l’enseignement de femmes et d’hommes qui ont cru, et qui croient toujours, profondément en ce qu’ils font. C’est dénigrer les compétences de ces travailleuses et ces travailleurs. Ce modèle traditionnel ne convient peut-être pas à tout le monde, mais il a quand même fait ses preuves.

Le mépris qui transpire de cette publicité me semble mal placé. Drôle de façon de faire la promotion du modèle de l’école alternative… Il y aura toujours des gens prêts à écraser l’autre pour se faire valoir. Ce qui est certain, c’est que je refuserais d’y enseigner parce que, si les valeurs qui portent ce projet sont de cet ordre, je ne voudrais, en aucun cas, y être associée.

Il n’y a certes pas une seule pédagogie au Québec et c’est fort bien ainsi. Mais il serait faux de laisser croire que l’une vaut mieux que les autres. Ou pire encore, de prétendre que l’école ordinaire ne fait que remplir des têtes comme si ses enseignantes et ses enseignants faisaient de la programmation de robots. On a beau être dans l’air numérique…

Dans les écoles publiques qui voient plusieurs élèves quitter vers le privé ou vers des projets particuliers sélectifs, dont les écoles alternatives, il se fait un travail qui est d’autant plus exceptionnel. Des projets, il y en a et ils sont de qualité. Et les élèves ne sont pas tous cordés en rang d’oignons contrairement à la croyance populaire.

Le 17 octobre 2017, Marie-Ève Morasse écrivait justement un article sur les écoles alternatives pour La Presse.ca. Tout à leur honneur, disons-le, Pierre Chénier, porte-parole du Réseau public des écoles alternatives du Québec (REPAQ), précise dans l’article que les élèves n’y sont pas sélectionnés par des examens.

Il mentionne toutefois que l’école alternative «  sélectionne les familles, et elles doivent être participantes. » Et cette façon de faire soulève des reproches  : « Ça vient des accusations qu’on a reçues de part et d’autre, qui disent que nous siphonnons tous les parents les plus intéressants et les plus motivés, explique Pierre Chénier. ».

Ce qui séduit souvent les parents qui  choisissent ces écoles, c’est la philosophie qui encourage les élèves à travailler à leur rythme. De méchantes langues pourraient dire : ils font ce qu’ils veulent quand ils veulent…

D’ailleurs, comme on apprend dans le texte de Madame Morasse, « le REPAQ ne consigne pas de données sur la réussite des enfants qui fréquentent les écoles alternatives. « On n’a pas de chiffres sur la réussite scolaire, ce n’est pas ça qui nous intéresse. C’est le développement global de l’enfant qui nous intéresse », dit son porte-parole Pierre Chénier. »

Malgré cela, je suis certaine que les écoles alternatives ont leur place et je ne doute pas de leur apport dans notre société. Mais restreindre des philosophies éducationnelles à des préjugés,  c’est réduire l’importance des unes et des autres.

En fait, si dans toutes les écoles du Québec, l’implication des parents envers leurs enfants était à la hauteur de celle demandée par les écoles alternatives, la réussite des élèves serait assurée dans tous les modèles possibles. Mais ce critère de sélection n’existe pas dans les écoles ordinaires.

Mireille Proulx
Coordonnatrice