Sous la pointe de l’iceberg – Le billet de Mireille

14 novembre 2018

Je me lève lundi matin et je lis, dans La Presse+, la chronique de Mylène Moisan intitulée « Se battre pour son enfant ». Une histoire triste, celle d’un enfant qui ne reçoit pas le nombre d’heures de services requis pour sa problématique. Quand on œuvre dans le monde de l’éducation, ça n’étonne malheureusement plus…

Mais ça finit par être fatigant. Comme dans épuisement, mais aussi comme dans écœurement.

En 2005, nous avons accepté que certains élèves, bien que considérés comme étant à risque ou ayant certaines difficultés d’apprentissage, n’aient plus de codes ministériels. Nous avons accepté de bonne foi, parce qu’on nous avait dit, à l’époque, que les codes n’étaient, de toute façon, pas nécessaires pour déclencher les services aux élèves.

Mais comme il n’y a pas de plancher d’emploi pour le personnel de soutien et le personnel professionnel, quand il y a des compressions budgétaires, les services s’amenuisent, les horaires sont coupés, les heures diminuent, des collègues disparaissent.

Il faut aussi avoir en tête que tout ceci s’est produit en même temps que l’intégration en classe ordinaire des élèves HDAA. Aujourd’hui, ces élèves ayant un code reçoivent des miettes de services.

L’enfant dont il est question dans l’article de Mme Moisan, est la partie visible de l’iceberg. D’où le malaise que j’ai ressenti en lisant le témoignage de cette mère. Parce que sous cette pointe, il y a aussi tous les élèves qui ont des difficultés d’apprentissage. Ils portent, pour la plupart, une cape d’invisibilité dans le système actuel. Leur ratio, au sein d’une classe, dépasse, je dirai occasionnellement (sachant que je pourrais dire souvent), le nombre d’enfants qui n’ont pas de difficultés d’apprentissage.

Nous avons toutes et tous ces visages en tête, qui se rappellent à nous le soir, la nuit, la fin de semaine. Pourquoi ? Parce que, foncièrement, nous travaillons dans le but d’aider tous les élèves à réussir.

Ainsi, quand la journée se termine, nous restons à l’école, une heure, deux heures, parfois trois heures, pour trouver (ou créer !) du matériel adéquat pour Marylou, Étienne ou Alexis. Mais ça finit par être fatigant. Comme dans épuisement, mais aussi comme dans écœurement.

Il y a les élèves avec un code et il y a les élèves sans code, certains à risque… à risque de décrocher. Il y a des profs qui fracassent les 32 heures, il y a des membres du personnel de soutien qui n’ont pas de postes temps plein et enfin, il y a un gouvernement et des dirigeants de commissions scolaires qui devront mettre l’argent nécessaire et considérer les besoins de ces élèves sous la pointe de l’iceberg.

 

Mireille Proulx
Coordonnatrice