LA GOUTTE DE TROP

18 octobre 2019

Leur sourire vous accueille dès vos premiers pas dans l’école. On se demande d’ailleurs comment les secrétaires d’école font pour se concentrer alors que leur bureau se trouve au beau milieu d’une agitation parfois digne d’un centre commercial ! Élèves, parents, enseignants, professionnels, fournisseurs, techniciens, tout le monde transite par cet espace exigu, bien souvent collé sur la reprographie.

Elles s’occupent de l’accueil dans l’école, font la gestion des clés, soignent les bobos des élèves, gèrent les courriels et les appels des parents. Elles font de l’entrée de données, notamment pour les inscriptions officielles, en lien avec l’organisation scolaire et pour la paie. Elles s’occupent aussi de tâches administratives liées aux prévisions budgétaires. Bref, elles ont des responsabilités importantes au sein de leur milieu et n’ont pas droit à l’erreur, et pourtant…

Le travail en vase clos

« Des changements organisationnels, il y en aura toujours, mais encore faut-il les soutenir. Il y a une limite à la capacité d’adaptation des gens et, dans le cas des secrétaires d’école, le point de saturation est atteint », explique Mariève Charest, conseillère en relations de travail de la section des Patriotes Soutien au Syndicat de Champlain.

De plus en plus, dans le contexte de décentralisation, les secrétaires d’école sont responsables de plusieurs nouvelles tâches et d’opérations névralgiques en lien avec les différents services des commissions scolaires : gestion des ressources matérielles, des ressources éducatives, de l’organisation scolaire et des ressources informatiques, pour ne nommer que celles-ci. Et c’est précisément le manque de coordination et le travail en vase clos des différents services qui accentuent le problème et complexifient la mise en œuvre des changements à apporter.

Il faut savoir que la Commission scolaire des Patriotes possède déjà une des cultures de décentralisation les plus implantées au Québec. Pourtant, force est de constater que les décisions prises pour décentraliser les opérations et les demandes dictées aux écoles par les différents services ne sont pas cohérentes, en raison d’un manque de coordination. Et le casse-tête pèse très lourd sur les épaules des secrétaires d’école qui sont imputables de tâches qui, en bout de ligne, ont des répercussions importantes dans les milieux, comme par exemple, le budget, les premières communications aux parents, le bulletin ou encore la paie du personnel.

Bien entendu, le projet de loi no 40 sur l’abolition des commissions scolaires déposé par le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, n’apaise en rien les craintes. Ce projet de loi prévoit la décentralisation, vers les écoles, de pouvoirs qui seront nécessairement assortis de diverses tâches administratives sans pour autant garantir que l’ajout de ressources soit prévu au tableau ou encore que les changements soient, cette fois, bien coordonnés. Or, la crainte est bien grande qu’une large part de ces tâches incomberont aux secrétaires d’école, déjà essoufflées et débordées.

La goutte qui fait déborder le vase

Le mécontentement est à ce point élevé que plus des deux tiers des secrétaires d’écoles de la CSP se sont présentées à une rencontre d’urgence organisée par le Syndicat de Champlain en septembre.

C’est une directive sur l’intégration d’une nouvelle tâche, sans formation adéquate, reçue de façon cavalière, par courriel, à la fin du mois de juin, qui a fait déborder la coupe. La rencontre de septembre aura permis de faire le point sur la situation, d’une part, et de passer à l’action, d’autre part.

« Globalement, elles voient les tâches s’accumuler, mais elles sentent qu’elles n’ont aucune emprise sur le travail qui arrive sur leur bureau ni sur le moment où il leur est donné ni sur la façon », explique Mariève Charest.

« Chaque service soutient que ses changements sont minuscules et simples à intégrer dans les pratiques. Mais l’accumulation de changements répétitifs, sans aucune consultation des principales intéressées, a des répercussions importantes. Sans compter que trop souvent, la mise en œuvre des formations ne suit pas la cadence des changements techniques dans les écoles. Parce qu’entre la théorie et le terrain, il y a souvent toute une marge. En ce moment, le son de cloche du terrain, c’est qu’il faut que les choses se passent autrement dorénavant. »

En mode solution

Les secrétaires d’école veulent être consultées, parce qu’elles connaissent mieux que quiconque les différentes répercussions possibles dans l’école d’un changement donné par un service de la Commission scolaire.

Malgré tout, une chose demeure certaine : elles aiment profondément leur travail. D’ailleurs, une fois la vapeur sortie lors de la rencontre en septembre, ce sont des femmes clairement motivées à trouver des solutions qui étaient réunies autour de la table. C’est pourquoi un comité de travail spécial a été formé sur place, constitué de quatre membres. Le comité s’est rencontré une première fois la semaine dernière.

La valorisation de leur travail constitue donc un axe de réflexion important. Elles font aussi valoir que leur échelle salariale n’est nettement pas à la hauteur des exigences requises pour les tâches et les responsabilités du poste. La preuve en est l’interminable liste d’exigences particulières requises par l’employeur lors des affichages. Autrement dit, seule une secrétaire d’école avec de l’expérience peut appliquer sur un poste de secrétaire d’école ! Absurde ? En effet. Surtout que le fait de remplir ces exigences n’a aucune incidence sur leur salaire qui est, rappelons-le, de 24,22 $ de l’heure au sommet de l’échelle salariale.

Maude Messier