La fin des commissions scolaires: Plus qu’un changement de nom !

30 octobre 2019

Le projet de loi no 40, ou la Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires, a été déposé le 1er octobre dernier.


Trois raisons sont évoquées pour justifier la transformation, telle que proposée, des commissions scolaires en centres de services scolaires : les économies potentielles, la meilleure réussite des élèves parce les décisions se prendront plus près d’eux, nous dit-on, ainsi que le faible taux de participation aux élections scolaires.


Pour ce qui est des motivations économiques, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur fait valoir que l’abolition des conseils des commissaires générera des économies de quelque 45 millions de dollars qui pourraient se traduire par l’embauche de 160 professionnels dans le réseau. Si on fait le calcul pour le ramener concrètement à ce que cela signifie dans les milieux, cela représente un ajout de 0,05 personne professionnelle par établissement…


Enfin, pour justifier cette transformation des commissions scolaires, le ministre met surtout l’accent sur la plus grande prise de décisions dans les milieux que cela entraînerait et donc, ce sont les élèves qui en bénéficieraient. On peut s’interroger sérieusement sur cet argumentaire. Tant qu’à brasser les structures, n’aurait-il pas mieux valu revoir le système scolaire actuel pour assurer une plus grande mixité scolaire et sociale au sein des établissements et des classes afin de permettre l’égalité des chances pour toutes et tous à une éducation de qualité et gratuite ? Bref, pourquoi ne pas s’attaquer au cœur du problème, véritablement ?

 

No taxation without representation


En principe, la disparition des conseils élus de commissaires scolaires met fin à la représentation démocratique et donc, à la redevabilité de ces derniers envers la population. La taxe scolaire sera désormais fixée par le ministre. Parce que c’est aussi ce que fait le PL 40 : il centralise et octroie de nouveaux pouvoirs au ministre de l’Éducation. Le pouvoir réel que se donne ainsi le ministre, c’est carrément d’éliminer le contre-pouvoir que représentait le conseil des commissaires.


Il n’est pas ici question de défendre les commissaires. Il apparaît aujourd’hui assez difficile aux yeux de la population (et de nos membres !) de voler au secours de celles et de ceux qui n’ont pas su jouer leur rôle et qui ont trop souvent choisi de se coller aux positions des directions générales plutôt que de se porter à la défense du réseau scolaire au moment où les coupures budgétaires affectaient durement les services aux élèves et les conditions de travail du personnel de l’éducation.


Il faut toutefois rappeler que les commissaires avaient minimalement la responsabilité d’informer le conseil des commissaires des besoins et des attentes de la population de leur circonscription. Ce qui ne sera pas le cas avec la mise en place, pour diriger les centres de services scolaires, d’un conseil d’administration dont les membres ne seront pas élus pour représenter un milieu en particulier. Il risque d’y avoir une perte en matière de représentativité de la diversité des enjeux d’un territoire.


Plus encore, dans la nouvelle structure proposée, les membres du CA n’auront pas la possibilité de s’exprimer publiquement. Seule la direction générale agit à titre de porte-parole officielle du centre de services scolaires.


Lors du Forum sur la démocratie scolaire organisé par l’Institut du Nouveau Monde en 2015, Claude Lessard, professeur émérite de sociologie de l’éducation à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal et ex-président du Conseil supérieur de l’éducation, soulevait cette question fort intéressante : « Éliminer la démocratie scolaire, est-ce faire du ministre le président-directeur général de toutes les commissions scolaires ? »


La Centrale des syndicats du Québec maintient que l’idée d’organisations régionales ou de conseils de services scolaires est intéressante. On ne peut que saluer la reprise d’un palier intermédiaire pour un partage équitable des ressources et favoriser l’égalité des chances.


Mais il nous faudra être vigilants. « Le projet de loi introduit un nouvel article concernant le partage de ressources et de services, notamment de nature administrative (nouvel article 215.2). Cet article énonce que ce partage devrait être entre les centres de services scolaires ou avec d’autres organismes publics, dont des municipalités ou des établissements d’enseignement régis par la Loi sur l’enseignement privé lorsque cela permet, dans le cadre de leur mission, de répondre à des besoins d’efficacité ou de rentabilité dans la gestion des ressources humaines,  financières et matérielles. » (Document A1920-CG-009 de la CSQ portant sur le projet de loi n° 40).


Bien que la CSQ n’était pas invitée en commission parlementaire sur le PL 40 au moment du publier initialement ce texte, nous savons maintenant qu’à force de représentations, elle y présentera un mémoire afin de faire connaître ses positions. De plus, en conseil général la semaine dernière, des propositions ont été adoptées, dont celles de dénoncer le projet de loi no 40 partout où il sera possible de le faire et de réclamer une structure décisionnelle démocratique, représentative et qui délibère de manière participative et transparente.

Mireille Proulx
Coordonnatrice