Consultations sur la réussite éducative : Que comprendre de l’accent mis sur les profs?

23 septembre 2016

Dans le document publié par le ministère de l’Éducation pour les consultations publiques qui auront lieu cet automne, on reconnaît que c’est « le personnel offrant des services directs aux jeunes enfants et aux élèves qui a l’effet le plus déterminant sur leur réussite ».

Le document spécifie même que « la formation initiale et continue des enseignants est elle-même au centre de la réussite éducative ».

Il en découle deux propositions majeures, soit la création d’un Institut national d’excellence « voué à la mise en valeur et au transfert des connaissances » et celle d’ordres professionnels « pour soutenir le développement et consolider l’expertise des différentes professions liées à l’enseignement et à la pédagogie ».

Cet accent mis sur les enseignants et leur formation tranche avec le discours des dernières années axé sur les évaluations à répétition des étudiants.

Il fait écho à un éditorial et un dossier parus dans le magazine britannique The Economist, qui est la bible des milieux d’affaires internationaux… et le livre de chevet du premier ministre Couillard!

Le retour de la pédagogie

Intitulé « Teaching the teachers », l’éditorial de The Economist affirme que, si « bien enseigner a longtemps été considéré comme un talent inné », des études démontrent aujourd’hui qu’« on ne naît pas bon enseignant, mais qu’on le devient ».

Cette position tranche radicalement avec le credo des dernières années. On se rappellera peut-être que le journal La Presse avait publié, il y a quelques années, un dossier de deux pleines pages intitulé « Révolution dans les écoles américaines. Le Québec peut-il s’en inspirer? ».

Le journaliste Mathieu Perreault avait été envoyé par ses patrons au Wisconsin d’où il avait rapporté quatre idées qui pourraient « inspirer » le Québec : 1. La rémunération au mérite pour les enseignants; 2. Les « charters schools », ces « écoles à charte » privées, mais entièrement financées par le public; 3. L’élimination de l’exigence d’avoir un baccalauréat en enseignement; 4. L’envoi de finissants universitaires pendant deux ans dans des écoles de quartiers défavorisés.

La mise en application de ces idées aux États-Unis et ailleurs dans le monde s’est avéré un échec retentissant. The Economist « découvre » aujourd’hui que posséder des connaissances et les transmettre sont deux choses différentes.

Pour un enseignement de haute qualité, il faut détenir des connaissances, mais aussi un savoir pédagogique qu’il résume ainsi : « Je n’enseigne pas la physique; j’enseigne à mes étudiants comment apprendre la physique ».

Qu’est-ce que ce virage signifie? Si on se fie au dossier de The Economist, cela veut dire une plus grande attention portée à la formation initiale des enseignants, mais aussi à la formation continue avec différentes interventions au sein même des classes.

À cet égard, The Economist cite des chercheurs qui déplorent que l’enseignement soit une « profession qui s’exerce à porte fermée » et que les syndicats s’opposent à ce que des observateurs puissent assister en classe aux prestations des enseignants.

Trop, c’est comme pas assez

Valoriser le prof, c’est bien. Mais lui faire porter l’entière responsabilité de la réussite scolaire, c’est autre chose. C’est pourtant un pas que franchit The Economist en affirmant péremptoirement que le nombre d’élèves par classe n’a pas d’importance.

Ou encore en soutenant que si « les élèves afro-américains recevaient leur enseignement des 25% meilleurs enseignants, l’écart entre les élèves noirs et blancs s’éliminerait en huit ans ».

Autrement dit, de bons profs réussiraient à éliminer l’impact de la pauvreté sur le résultat des élèves.

C’est la même position qu’on retrouve dans le document du ministre Sébastien Proulx où on soutient que « la qualité des interrelations dans la classe peut contrer l’influence négative de caractéristiques individuelles, comme le niveau socioéconomique ou le rendement initial des élèves ».

Donc, pas nécessaire de lutter contre la pauvreté par des politiques de plein emploi ou d’autres mesures sociales, si l’école – ou plutôt de « bons » profs – peuvent en venir à bout !

Des oublis ?

The Economist, tout comme le ministère de l’Éducation, fait aussi abstraction du réseau des écoles privées, qui écrème les écoles publiques, et de plusieurs questions sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir dans le cadre de ces consultations.