La dérive d’un ministre dans une classe agitée

20 octobre 2016

Le billet de Mireille

Dernièrement, la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE) a produit une note de recherche sous la plume d’Alec Larose sur la classe ordinaire qu’Isabelle Porter du Devoir cite dans un article, le 13 octobre dernier.

On y apprend qu’« entre 1970 et 2012, la proportion d’élèves du secondaire au privé est passée de 5,2 % à 20,8 % de la population. Les projets particuliers comme sport-études, arts-études ou encore le programme d’éducation internationale (PEI) sont passés de 400 à 948 entre 1998 et 2010 et sont désormais présents dans le quart des écoles publiques.

« Quant aux élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (HDAA), ils comptent aujourd’hui pour le cinquième des élèves contre 12 % il y a 15 ans. »

Qu’est donc devenue la classe ordinaire ? Certains diront que c’est une classe d’élèves moyens et d’élèves en difficulté, privée des élèves plus forts, intégrés dans des programmes particuliers ou ayant tout simplement quitté le bateau pour le privé. D’autres iront jusqu’à la qualifier de « classe poubelle ».

Selon le milieu, urbain ou rural, la réponse différera beaucoup. Quand il n’y a pas d’école privée à proximité, il y a moins de projets particuliers et les classes sont plus hétérogènes. Tiens donc ! Ça ne signifie pas que les élèves en difficulté ont tous les services auxquels ils ont droit mais, au moins, l’émulation créée par les élèves plus forts est bien présente et mieux sentie.

Des solutions exis-tent pour améliorer la classe ordinaire : couper les subventions au privé, du moins en partie; permettre à tous les élèves, selon leurs intérêts, d’être inscrits à des programmes particuliers; cesser de couper dans le budget de l’éducation des centaines et des centaines de milliers de dollars; bonifier l’offre de service aux élèves HDAA; valoriser le vivre ensemble, quel que soit le milieu d’où l’on vient, etc.

La solution du ministre

Voyons maintenant la solution du ministre de l’Éducation, telle que rapportée par la journaliste du Devoir dans son article La dérive tranquille de la classe ordinaire. « En guise de solution au déclin de la classe ordinaire, Sébastien Proulx mise sur les enseignants. ‘‘Il faut plus inves-tir dans la formation initiale des maîtres. Comment ils peuvent mieux s’adapter’’ ».

La dérive est exactement dans ces derniers propos ! On enlève quatre, cinq cours spécialisés du cursus, on les remplace par des cours qui traitent des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage et le tour est joué !

Dire, sans sourciller, en parlant des enseignants, « Comment ils peuvent mieux s’adapter »ça prend du front ! Personnellement, j’y lis un sous-texte. Les enseignantes et enseignants deviendront les femmes et les hommes à tout faire; le personnel de soutien verra ses postes diminuer de façon draconienne puisque les profs auront la formation nécessaire ! Quelques cas plus lourds auront possiblement droit à des services spécifiques, si nous sommes chanceux. Quelle belle économie d’échelle…

L’abréviation EEA, enseignantes et enseignants adaptés, remplacera EHDAA. Comme on peut le constater, il s’agit simplement de changer de bout de la lorgnette, ou carrément de lunettes et d’en prendre de plus faibles qui permettront de ne plus voir les lettres du centre…

Peut-on déduire des propos du ministre qu’il propose une éducation ordinaire pour le monde ordinaire et une éducation de qualité pour les mieux nantis, confiant au privé la formation de l’élite de demain ? Une élite à l’image du
Parti libéral, de la pensée néolibérale où « l’égalité des chances » se résume à trois mots qu’il faut prononcer pour « faire semblant ».

Nous ne nous laisserons pas dériver, nous sommes habitués à ramer. Il faut remplir le sondage du ministre pour donner notre opinion, même si plusieurs questions sont biaisées. Rendez-vous à onsyconnait.com

Mireille Proulx