Le poids invisible des soutanes et des cornettes

3 novembre 2016

Le billet de Mireille

En cette semaine de l’Halloween, monstres, sorcières, fantômes reviennent nous hanter ! Il en est de même pour le palmarès des écoles, publié par le Journal de Montréal en partenariat avec l’Institut Fraser, que l’on reconnaît, avec ou sans déguisement, comme groupe de réflexion de droite !

En lisant plusieurs des articles parus depuis vendredi dernier dans ce quotidien, j’ai compris que les enseignantes et enseignants devraient se déguiser en sœurs à cornette ou en frères des écoles chrétiennes !

Oublions le vœu de chasteté, qui en a pris pour son rhume avec les histoires d’horreur des dernières années, mais réhabilitons les vœux de pauvreté et d’obéissance, qui semblent être l’avenue gagnante pour la réussite des élèves !

En lisant le texte d’opinion de madame Bombardier, ce 31 octobre, cela tombe sous le sens. « Dans une bonne école, les enseignants ne sont pas dans un rapport de force avec la direction. Généreux de leur temps, ils sont disponibles pour les jeunes hors des heures de cours, ne craignent pas d’exercer leur autorité et aiment leur matière.

« […] Les enseignants et les professionnels qui font des miracles avec les jeunes, même ceux en difficulté, possèdent une compétence intimement liée aux qualités de cœur, de sensibilité et de don de soi. Ces enseignants-là ne travaillent pas, ils ont la vocation, un si beau et noble mot, quasi disparu du vocabulaire. » C’est vraiment émouvant ce bel appel à notre fond judéo-chrétien ! Rappelons que Mme Bombardier a publié Une enfance à l’eau bénite. Manifestement, elle n’en est pas sortie.

Dans un autre article, de l’édition du 30 octobre, sous la plume de Daphnée Dion-Viens, on peut lire, suite aux propos rapportés d’un directeur d’école : « Les enseignants ne comptent pas leurs heures et tout le personnel travaille dans la même direction, dit-il. Même la secrétaire de l’école s’implique comme coach de l’équipe féminine de volleyball ».

Quelques paragraphes plus tard, on apprend que « tous les enseignants dînent à l’école et sont disponibles ou impliqués pendant l’heure du dîner ». Dans un autre article encore, on peut lire « cette école repose avant tout sur une équipe dévouée ». Point de bénévolat, point de salut !

« Ne pas être dans un rapport de force », « du personnel qui travaille dans la même direction », voilà donc l’une des solutions : le vœu d’obéissance.

« Don de soi, généreux de leur temps, disponibles hors des heures de cours, avoir la vocation, ne comptent pas leur temps, dînent à l’école et disponibles, impliqués pendant l’heure du dîner… », voilà l’autre solution : vœu de pauvreté. Voilà comment on fait des miracles…

Demande-t-on des heures supplémentaires, sans les payer, pour la réussite de l’usine, pour s’occuper des patients dans un hôpital, pour que l’épicerie fasse plus de profits, pour que la ville soit déneigée ? Qui accepte ces tâches sans être payé, par vocation ?

Terminée la confrontation entre écoles publiques et écoles privées. On table maintenant sur les qualités exigées des enseignantes et des enseignants – être des béni-oui-oui et travailler sans compter ses heures. Voilà ce qu’il faut pour que les élèves réussissent au Québec !

Sur la hauteur des services disponibles, pas un mot, bien entendu ! Pas besoin de services, ou si peu, quand on a du personnel qui fait 5, 10, 15 heures supplémentaires non rémunérées par semaine. Et, surtout, pas un mot sur la sélection des élèves au privé et pour la majorité des projets particuliers des écoles publiques, qui se trouvent, comme par hasard, en tête de palmarès.

Le discours change. Toutes les têtes se tournent maintenant vers le personnel de l’éducation. La réussite des élèves, tant à l’école privée que publique, ne semble plus tenir à la sélection des élèves, mais bien à la sélection d’un personnel dévoué.

Ce discours se veut flatteur, mais il cache le poids invisible des soutanes et des cornettes.

Mireille Proulx
Coordonnatrice