La Brèche

1 décembre 2016

Le billet de Mireille

Cette fin de semaine, le journal Le Devoir a publié un dossier sur les 20 ans du réseau des garderies. À la lecture des articles, il est facile de comprendre qu’entre 1997 et ces dernières années, le réseau public a vu beaucoup d’enfants quitter vers le privé ! Ça ressemble à un air connu…

Dans une entrevue de Jean-François Nadeau avec Pauline Marois, instigatrice des CPE, on apprend que « depuis avril 2014, il s’est développé 5 568 places en CPE et 10 000 en garderies privées, subventionnées et non subventionnées ».

Dans un autre article, rédigé par Isabelle Paré, on peut lire que « depuis le rehaussement du crédit d’impôt pour les frais de garde en 2009-2010 et l’abandon du tarif universel à ‘‘ 7 $ ’’ en janvier 2016, le nombre de places en garderie commerciale (sans subvention) a décuplé. Entre 2009 et 2016, ce nombre est passé de 7 000 à plus de 55 000 places, soit une expansion spectaculaire de près de 1000 % ».

Il existait auparavant des garderies privées tout comme il existait des écoles privées. Mais leur nombre augmente sans cesse… Et l’ouverture à plus de garde-ries privées, certaines subventionnées et d’autres non, mais qui demandent un tarif moyen de 37 $ par jour, a ramené les garderies comme les écoles à une « business ». Et une « business », ça sert à faire de l’argent…

Marie-Michèle Sioui et Dave Noël ont interrogé des courtiers immobiliers. « ‘‘ Ces temps-ci, c’est entre 15 000 et 18 000 $ par tête ’’, résume le courtier immobilier Mario D’Errico. […] La va-leur d’une garderie privée subventionnée de 80 places peut donc atteindre 1,44 million et le prix de vente affiché peut s’élever à plus de 3 millions si l’on inclut le bâtiment, atteste le courtier ». Pour les garderies non subventionnées, on parle de 5 000 $ ou 6 000 $ par tête.

Ce lundi, un autre article, celui-là de Jessica Nadeau, nous apprend qu’« inquiètes de perdre une partie importante de leur clientèle et de leur chiffre d’affaires, les garderies privées font des démarches à Québec pour que le programme de maternelle 4 ans soit offert dans leurs installations plutôt que dans le réseau public ».

C’est très inquiétant. Bien qu’il n’y ait aucune surprise à ce que le privé ne veuille pas voir les enfants quitter vers l’école publique dès 4 ans, il est plus difficile de comprendre que le but principal de leur demande soit essentiellement monétaire…

Sachant qu’il y a un roulement de personnel de 50 % dans les garderies privées non subventionnées, que la formation est inadéquate et surtout que « seulement 10 % des garderies commerciales obtiennent une cote ‘‘ bonne à excellente ’’, comparativement à 45 % des CPE », il est impératif que les maternelles 4 ans demeurent en milieu scolaire.

Christa Japel, professeure à la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM, indique que, dans ces garderies, il y a un minimum qui doit être respecté comme le local, la sécurité et le nombre d’enfants par éducatrice, qui n’ont besoin que de 45 heures de formation pour recevoir un permis… « mais personne n’y observe la qualité éducative ».

Les éducatrices en service de garde du milieu scolaire doivent avoir une attestation d’études professionnelles de quelque 390 heures et un cours de premiers soins, qui doit être renouvelé tous les 3 ans. La comparaison parle d’elle-même. Dans le réseau scolaire, que nous parlions du personnel de soutien ou du personnel enseignant, la qualité est au rendez-vous.

Alors que ce réseau voulait permettre l’universalité et l’égalité pour tous, le côté « business » n’est plus à démontrer. Si le privé devait faire une incursion dans le réseau scolaire par les maternelles 4 ans, la brèche serait ouverte pour tous les autres niveaux. Le bien de l’élève en prendrait pour son rhume.