La noirceur

2 février 2017

Le billet de Mireille

Lors du dernier Le Champlain, je terminais mon billet en disant « Quand je pense au parti d’extrême droite FPÖ (parti libéral d’Autriche), à la Russie ou à l’élection de Trump, entre autres, je ne peux que m’inquiéter du sort des minorités, des ‘‘pas comme les autres’’. Il est facile d’exacerber la colère, les préjugés…»

Je le répète aujourd’hui. Malheureusement.

L’intolérance n’est pas l’apanage de ce siècle, loin de là, elle aura traversé toutes les époques, la peur de l’autre aussi. Ce qui est différent demeure toujours aussi difficile à accepter, le premier réflexe étant souvent le même, dire que « jamais nous n’accepterons ça; jamais au grand jamais, nous ne changerons notre façon de faire, etc. »

Les événements de dimanche ont suscité chez moi beaucoup de tristesse et deux mots ont surgi : intolérable et intolérance. Intolérables, une fois de plus, ces images d’une tuerie gratuite et, ces dernières années, intolérance affichée à la télévision, à la radio, sur les réseaux sociaux.

Il est de plus en plus facile par Facebook, Twitter… d’émettre, incognito, des commentaires désobligeants, haineux, sexistes, homophobes, racistes… Cette retenue qu’une majorité de personnes ont en public semble, pour certains, disparaître quand ils sont seuls avec leur ordinateur, leur tablette ou leur téléphone intelligent. Ne pas entendre les commentaires, ne pas voir les réactions des autres, ne pas sentir le choc que l’on crée chez l’autre amène cette distanciation malsaine qui permet de dire ou d’écrire des énormités.

Que l’on pense à Léa Clermont-Dion et Marie-Hélène Poitras qui ont écrit Les superbes : une enquête sur le succès et les femmes, qui, à la suite de sa publication, ont reçu des menaces de mort, des mots haineux que je ne reproduirai pas ici.

Même chose pour plusieurs femmes politiciennes qui reçoivent régulièrement des propos douteux sur leur apparence physique, des remarques sur leur orientation sexuelle, des attaques personnelles, des insultes.

Qui n’a pas entendu parler des élèves qui reçoivent le même type de remarques parce qu’ils ne correspondent pas à ce que certains prétendent être la normalité ? En plus de la dureté des mots, dans certains cas, des photos circulent. On connaît tous une histoire qui s’est terminée dramatiquement.

Pas besoin d’élaborer sur la peur de l’autre, de l’étranger, de toutes celles et ceux qui ne pratiquent pas la même religion…

Certes, nous devons avoir une réflexion sur la transmission explicite de certaines images, de certains propos dans les médias traditionnels ou sociaux. Mais c’est également vrai dans nos établissements.

En discutant avec des enseignantes cette semaine, elles me disaient qu’il n’était pas rare d’entendre, au primaire comme au secondaire, des mots dégradants, violents, menaçants dans la bouche des élèves.

Ce qui m’a jetée par terre, ce sont les réponses de certaines directions d’établissement ou collègues. « Prends-le pas personnel, c’est comme ça maintenant, c’est pas contre toi. »

Même des directions se font insulter, reçoivent des crachats au visage de la même façon. Des réponses à l’élève comme « chut, chut, calme-toi, viens dans mon bureau, on va jaser » sont monnaie courante. Pas d’expulsion, pas de conséquences à la hauteur des paroles, des actes.

Que ce soient des insultes, des mots violents, des crachats, des coups de pied ou de poing, des menaces au ciseau, et j’en passe, tant qu’ils seront tolérés, ils seront légitimés et banalisés.

Quelque soit notre emploi dans la commission scolaire, jamais il ne sera normal de nous faire traiter ainsi sous prétexte que nous connaissions l’environnement dans lequel nous étions appelés à travailler. Jamais, ce ne sera normal !

Je terminerai ce texte comme celui du dernier Le Champlain sous le titre La lumière. « Rassembler, informer, discuter demande plus d’efforts, mais permet un vivre ensemble plus ensoleillé. Les discussions dans les classes sont un pas supplémentaire permettant l’acceptation de la différence, la fin de l’isolement, un regard plus ouvert sur le monde; l’école et la société ne pourront alors qu’être plus inclusives. »

Mireille Proulx
Coordonnatrice