Concurrence déloyale

16 février 2017

Le billet de Mireille

Dis-moi qui te paye, je te dirai si tu peux faire face à l’austérité ! Quand on compare les réseaux privé et public de l’éducation, on en a une belle illustration. Dans une note socioéconomique de l’IRIS (Institut de recherche et d’informations socioéconomiques), Philippe Hurteau a cherché à répondre à la question : L’austérité en éducation :les écoles privées sont-elles réellement désavantagées ?

La mission des deux réseaux

Au départ, il faut se le rappeler, les écoles privées sélectionnent les meilleurs élèves et, bien que quelques-unes acceptent des élèves HDAA, elles laissent bien gentiment aux établissements publics celles et ceux qui ont besoin de plus de services et qui, nécessairement, engendrent des coûts plus élevés.

L’IRIS fait également remarquer que la mission de l’une et de l’autre école est fort différente. «Elle [l’école publique] a l’obligation de voir au développement social et culturel de l’élève tout en assurant son instruction, sa socialisation et sa qualification.» Ce n’est pas une mince mission!

On comprendra assez facilement que les « critères d’universalité, d’accessibilité, d’égalité des chances et de mixité » sont incontournables pour le réseau public. C’est fort différent pour les écoles du réseau privé qui, selon leurs engagements avec les parents, peuvent définir leur propre mission…

La diversité du financement

Malgré tout, certains diront que le privé a dû composer, tout comme le public, avec des réductions de financement au cours des dernières années. Le privé affirme même qu’il a été plus durement touché. Il est, certes vrai, que des coupures gouvernementales ont été effectuées dans les deux réseaux. Toutefois, les écoles privées ont des sources plus variées de revenus, ce qui n’est pas le cas des établissements publics.

« Subventions du MELS », « Subventions d’autres ministères », « Contributions des élèves », « Dons », « Dons en biens et services », « Entreprises auxiliaires », « Ententes de scolarisation avec le MELS », « Revenus spécifiques » et « Autres revenus généraux » sont les neuf catégories de revenus de l’école privée qui apportent de l’eau au moulin.

Du côté du public, il n’y a que quatre catégories, « Subventions de fonctionnement du MELS », «Taxe scolaire », « Droits de scolarité et droits chargés relatifs à un cours » et « Autres revenus », ce qui laisse, malheureusement, certaines rivières asséchées.

Dans le réseau privé, quand le pot de bonbons au caramel diminue, on peut faire en sorte que celui des bonbons au chocolat et cerise augmente. Du côté des commissions scolaires, pas besoin de dire que ce n’est pas du bonbon que de jouer avec les coupures et la taxe scolaire…

Alors, que reste-t-il pour tenter de combler les pertes ?

Le public se convertit aux méthodes du privé

Selon l’IRIS, il y a deux objectifs aux politiques d’austérité : l’équilibre budgétaire et « modifier le fonctionnement des services publics en utilisant comme modèle unique la dynamique propre au secteur privé ».

Ce dernier objectif, bien que moins visible, est plus pernicieux. De plus en plus d’écoles se dotent de fondations ; les collectes de fonds sont légion. Allez, on vend du chocolat, des toutous, des oranges… pour permettre telle ou telle activité, pour rénover la cour d’école, pour y planter des arbres… C’est beau les projets éducatifs, mais faut que ça se paye !

Combien d’établissements publics sont à la recherche de revenus extérieurs comme s’ils étaient des entreprises privées?

Les écoles privées misent sur le volet plus commercial de leurs activités pour pallier les coupures du gouvernement ; le réseau public aura beau faire toutes les collectes possibles, il n’arrivera jamais à se maintenir à flot, encore moins à connaître une croissance budgétaire.

Les impacts de l’austérité depuis 2000 ont malmené le réseau public, alors que le réseau privé a vu son effectif total croître de 19 %. Aussi, quand le gouvernement parle de l’égalité des chances, il faudrait qu’il cesse de parler des deux côtés de la bouche.

Consultez la note socioéconomique de l’IRIS.

Mireille Proulx

Coordonatrice