L’éducation comme matrice de notre société

16 mars 2017

Entrevue avec Claire Bolduc du collectif Faut qu’on se parle

« Tout le monde s’accorde sur ce point : ne pas soutenir l’éducation, c’est une négligence qu’on ne peut pas se permettre » – Ne renonçons à rien, LUX Éditeur, 2017.

Les membres du collectif Faut qu’on se parle ont passé l’automne sur la route, pour rencontrer les Québécoises et les Québécois de tous horizons politiques, sans partisanerie, et parler d’avenir. Pour les écouter parler d’avenir, devrait-on plutôt dire. De ce qui les préoccupe et de ce qu’ils souhaitent. 174 assemblées de cuisine au total et près de 20 000 personnes rencontrées, en incluant les assemblées publiques.

Le fruit de ces rencontres est colligé dans un ouvrage publié il y a deux semaines chez LUX Éditeur, « Ne renonçons à rien », sous la plume des neuf membres du collectif.

Politique industrielle écologique, démocratie, nouveau modèle culturel et médiatique, diversité, réconciliation avec les Premières Nations, santé, familles… Tous les sujets étaient sur la table, mais le premier sujet abordé dans l’ouvrage, c’est l’éducation, et ce n’est pas un hasard.


« C’est LE sujet qui a été traité dans toutes les assemblées de cuisine
, soutient en entrevue Claire Bolduc, cosignatrice et membre du collectif. Beaucoup de gens avaient choisi dès le départ de parler d’éducation, souligne-t-elle. Mais dans bien des cas, c’était inévitable de parler d’éducation, par ricochet si on veut. Par exemple, les gens parlent de santé, mais le sujet bifurque parce qu’on parle aussi du fait qu’il n’y a plus de cours d’éducation sexuelle à l’école, de comment bien manger, etc. »

Citoyenneté, histoire et culture, bonnes habitudes, refinancement massif du réseau public, les angles pour aborder la question sont multiples. Comme quoi l’éducation est, dans les faits, sous-jacente à beaucoup d’aspects de la société, un peu à l’image d’une matrice.

« C’est précisément ça. Les gens parlent d’éducation, mais pas seulement dans le cadre des écoles, mais aussi des CPE, comme premier lieu de socialisation dans la vie des enfants. L’image de la matrice est belle parce qu’elle donne ici toute la mesure aussi de ce qu’on a échappé, comme société. »

« Les cris du coeur des enseignants ont été majeurs au cours des dernières années et ça se reflète dans ce que nous avons entendu. Il y a les élèves en difficulté qui ont des besoins particuliers. Il y a ceux qui n’ont pas déjeuné. Ceux qui vivent des problèmes à la maison. Ceux qui ne sont pas en difficulté, mais qu’on échappe. Ceux à qui on n’aura pas pu donner le petit plus, par manque de temps, etc. »

Deux éléments se dégagent pour opérer un virage décisif et rapide, peut-on lire dans l’ouvrage : diminuer le nombre d’élèves par classe et augmenter les ressources du personnel de l’éducation pour venir en aide aux élèves en difficulté.

Citoyens d’abord

« L’école devrait semer les graines qu’il faut pour faire réfléchir, faire naître et développer la capacité d’être critique, d’analyser une situation avec des points de vue différents. C’est comme ça qu’une société évolue, en construisant le débat. Le niveau de qualité du débat public est faible au Québec. À l’Assemblée nationale, c’est d’un pathétique. Une société qui ne débat pas, c’est une société qui n’avance pas. »

Le collectif a rencontré au fil des assemblées de cuisine,à la fois du personnel de l’éducation, des parents et des étudiants, un panorama intéressant pour parler d’éducation.

Selon Claire Bolduc, c’est la question du « formatage » qui revenait le plus souvent. « Le fait qu’on ne forme pas des citoyens, mais de la matière pour des employeurs. Qu’on n’ouvre pas les esprits, mais qu’on bourre la tête. Il y a un silence autour de l’histoire du

Québec, du Canada, notamment relativement aux Premières Nations, qui est préoccupant. On parle peu d’environnement. C’est inquiétant, mais la bonne nouvelle est que les gens le constatent et s’en préoccupent. »

De ce périple à travers le Québec, elle témoigne aussi de son grand plaisir d’avoir pu constater que les gens ne se présentaient pas aux assemblées pour « chialer », mais pour contribuer. « Ils avaient des idées. Les gens sont en mode solution, pour construire. C’est un message très positif sur la force citoyenne, notre capacité à nous mêler de nos affaires ! »