Et puis, le cours d’Éducation financière ?

24 octobre 2017

L’implantation précipitée du cours d’Éducation financière pour la rentrée 2017-2018 a fait couler beaucoup d’encre depuis l’hiver dernier. Quel serait le contenu du cours ? Le matériel serait-il prêt à temps ? Et serait-il adéquat ? Les enseignants auraient-ils le temps de bien se préparer ?

Quelques semaines après le début des classes, qu’en est-il vraiment ? Nous avons rencontré Chantal Dandurand, enseignante en univers social depuis 14 ans, elle nous livre son opinion sur la question.


Une expérience positive sur le fond

Chantal enseigne à cinq groupes de secondaire 5, ce qui représente près de 140 élèves. D’emblée, elle affirme vivre une expérience positive à enseigner l’Éducation financière.

« J’aime ça, j’aime le contact que ça me procure avec les élèves. Parce que c’est vraiment concret. Les
taxes, les impôts, comment faire des choix au niveau d’un budget, comment la publicité nous influence, la différence entre un besoin et un désir, les prêts et bourses, la paie, etc. Ce sont des choses qui les touchent quotidiennement. »

Elle estime que le cours répond à un besoin bien réel des élèves, qui sont intéressés et participent en classe. « Je pense que l’argent, c’est un tabou. Ce n’est pas abordé dans toutes les familles et c’est important qu’on l’aborde à l’école.

Combien d’élèves m’arrivaient avec leur talon de paie en me disant :  » Madame, je ne comprends rien.  » Ou encore :  » Est-ce que c’est normal ceci ou cela ?  » Je répondais déjà à leurs questions. »

Se sentait-elle à court de ressources ou anxieuse à l’idée de devoir enseigner un tout nouveau cours dans un délai aussi rapide ? « Pas vraiment, non. Essentiellement parce que ce sont des éléments de la vie courante, des choses qui me touchent aussi. Mettre de l’argent de côté, payer les factures, ce qui est taxable, ce qui ne l’est pas, etc. En plus, j’apprends des choses en même temps. C’est un nouveau cours, il faut s’adapter. Mais je m’amuse. »

Des bémols sur la forme

Par contre, tout n’est pas parfait, loin de là. D’abord, souligne Chantal, il y a le manque de temps. Rappelons que pour faire de la place au cours d’Éducationfinancière, le cours Monde contemporain (MO), a été réduit de moitié, passant de quatre périodes à seulement deux.

Chantal, qui prêche pour sa paroisse, ricane en disant qu’il y aurait eu de la matière suffisamment pour laisser le cours MO à quatre périodes et mettre Éducation financière aussi à quatre périodes !

Deux chapitres du cours MO de secondaire 5 ne sont donc plus enseignés, Pouvoir et Environnement. « Il reste maintenant trois chapitres, qu’il faut faire en deux fois moins de temps. C’est un niveau de difficulté de plus. » Sans compter que la disparition du chapitre Pouvoir marque pratiquement la fin de l’initiation à la politique et à la participation citoyenne dans le cursus.

Le contenant

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les maisons d’édition attendaient seulement que le feu vert soit donné pour ce nouveau cours. Elles n’ont pas été prises de court, loin de là. Chantal affirme avoir été sollicitée par plusieurs maisons et avoir pu faire un choix parmidumatériel de qualité.

« On a reçu le programme au prin-temps, puis j’ai choisi le matériel avec lequel je voulais travailler en juin. » Elle affirme être satisfaite du choix qu’elle a fait cette année, ce qui a aussi facilité la transition. Évidemment, dit-elle, avoir un corpus moins adéquat peut rendre la première année d’enseignement du cours assez pénible.

« Habituellement, je teste du matériel et ensuite, je l’enrichis. Mon problème, en ce moment, c’est que mon matériel n’est pas encore enrichi. Je n’ai pas encore eu le temps de tout m’approprier. Il y a aussi le fait que tout ce que j’ai est sur support informatique. Et en cas de panne, ça prend un plan B ! C’est en développement, disons.

« Je ne suis pas capable d’anticiper les questionnements tout le temps. Ça aussi, je trouve ça difficile. Quand tu as déjà donné un cours, tu anticipes où ça va accrocher. Ça permet, justement, d’enrichir ton matériel. Je ne suis pas encore là. »

Somme toute, si la rentrée en Éducationfinancière se passe plutôt bien et que le cours semble répondre à un besoin réel des élèves, il n’en demeure pas moins que l’implantation du cours aurait pu être mûrie une année de plus. Ce qui aurait peut-être permis d’éviter de couper carrément tout un pan de la formation citoyenne des élèves dans leur parcours scolaire.

Maude Messier