Cours d’éducation sexuelle à l’école

1 novembre 2017

La multiplication affolante de révélations d’agressions et d’inconduites sexuelles dans la foulée du mouvement #MoiAussi s’est métamorphosée en un tsunami qui ébranle le Québec.

Rapidement, les projecteurs se sont braqués sur le milieu scolaire. Si l’empressement était grand pour implanter à la hâte le cours d’éducation financière, on se demande bien ce que le ministre Proulx attend pour plancher activement sur le dossier du retour des cours d’éducation sexuelle !

Savez-vous combien de sexologues travaillent dans les commissions scolaires des Patriotes, Marie-Victorin et Vallée-des-Tisserands ? Zéro. Étonnant ? C’est aussi l’avis de Jacinthe Barriault, sexologue et travailleuse sociale.

Elle a longtemps travaillé auprès des jeunes adultes dans les cégeps. Elle a aussi fait de nombreuses rencontres dans les écoles secondaires, notamment dans le cadre du cours d’éducation sexuelle, il y a de cela quelques années.

Dans sa pratique privée actuelle, elle reçoit des jeunes en consultation, mais aussi des parents, témoins de ce que vive leur enfant. « La réalité, c’est que les jeunes vivent des ruptures, parfois très difficiles, de la violence, physique et psychologique, dans les relations amoureuses, etc. Les parents sont témoins de tout ça et ils ne savent pas comment intervenir. Ils viennent donc consulter et chercher des outils. »


Des besoins bien réels

Le besoin d’informations est bien réel chez les jeunes, à son avis : le besoin de comprendre ce qui est normal et ce qui ne l’est pas.

« L’éducation sexuelle à l’école, c’est faire de la prévention. Si on parle en classe de la violence sexuelle, de la violence psychologique, du contrôle sexuel, toutes et tous ont la même information. Ils ont des références, des outils pour agir. » Le manque d’information induit un effet « pervers », soutient-elle, la violence s’immisce et se normalise.

Avec 25 ans de pratique, Jacinthe Barriault est bien placée pour porter un regard sur l’évolution des relations et des comportements sexuels chez les jeunes. Est-ce si différent aujourd’hui ?

« Les problématiques se ressemblent : grossesses, violence dans les relations amoureuses, manque de respect, estime de soi, tout ça n’est pas nouveau. Mais ce qui a changé, c’est la source d’informations. Internet et les médias sociaux encouragent une forme de sexualité qui n’est pas nécessairement saine et respectueuse de chacun. » Autrement dit, par manque d’information, la référence à la normalité est déplacée, souvent bien loin de ce que l’on souhaite pour nos enfants.

Elle s’inquiète particulièrement du fait que la violence et le contrôle psychologique sont largement banalisés dans leurs relations et leur discours. « Ça s’est clairement accentué depuis quelques années. Et quand on fouille pour comprendre d’où leur viennent ces « modèles » de relations, l’influence des médias sociaux est bien présente. »


Contrer l’influence des médias sociaux

Nous lui avons demandé si le fait d’avoir retiré les cours d’éducation sexuelle sur une période de plusieurs années aura impacté toute une génération dans leurs comportements. Ou, à contrario, faut-il plutôt montrer du doigt la montée de l’influence des réseaux sociaux ?

« Je vous pose la question autrement. Un garçon refuse de sortir avec une jeune fille, disons qu’ils ont quinze ans, parce qu’elle ne veut pas lui faire une fellation. Si elle a eu un cours d’éducation sexuelle, si elle a échangé, discuté avec un adulte et aussi avec d’autres jeunes qui ont eu la même information qu’elle, sera-t-elle plus apte à prendre position que si elle ne peut que se référer aux réseaux sociaux, où tout le monde semble le faire ? Elle est là la réponse. Chose certaine, elle sera mieux équipée pour se respecter. »

Qu’on le veuille ou non, nous vivons à l’ère des réseaux sociaux, qui sont partie intégrante de la vie des jeunes. Impossible de passer à côté. Pour Jacinthe Barriault, c’est d’autant plus urgent de donner de l’information aux jeunes, de leur montrer que ce qu’ils voient sur Internet, ce n’est pas « normal ».

« Pour moi, le fait qu’il n’y ait pas d’éducation sexuelle dans nos écoles de façon claire et égale pour toutes et tous, on passe à côté de la prévention. La prévention dans les rapports gars-filles, la prévention de la violence, des grossesses, des agressions, du respect. On passe à côté du bateau complètement ».


Et les projets pilotes en cours… ?

« L’intention est bonne, mais j’ai comme l’impression qu’ils n’y mettent pas les moyens pour y arriver. Pas tant pas manque de volonté, je crois, parce que l’importance de l’éducation sexuelle fait plutôt consensus au Québec, à plusieurs égards. C’est plutôt par manque de connaissances. »

Si elle comprend que les cours d’éducation sexuelle soient donnés par du personnel enseignant, elle estime toutefois qu’un support professionnel pourrait être bénéfique : « Que des sexologues puissent participer à la formation des enseignants, par exemple, pour augmenter leur niveau de connaissances, leur aisance. Il y a tout un volet d’intervention aussi, dans les situations délicates. Comment réagir si un jeune confie avoir été victime d’une agression sexuelle ? »

Elle souligne d’ailleurs, qu’en ce moment, un enseignant qui constate un problème ne peut même pas référer le jeune à un service, il n’y en a pas. L’élève doit être dirigé vers les services de santé et les services sociaux. « Ce qui veut dire qu’il doit s’y rendre, s’ouvrir, une fois de plus, auprès d’une personne qu’il ne connaît pas. On ajoute des étapes, le jeune risque de reculer. »

Si les réseaux sociaux sont une partie du problème, peuvent-ils aussi incarner une partie de la solution, si on pense aux nombreux et récents mouvements de dénonciation par exemple ?

« C’est certainement une prise de conscience collective. Mais elle devrait nous allumer sur le fait que quelque chose aurait dû être fait avant : la prévention. Et oui, ça doit passer par l’école. »

Lien connexe : Sur la notion de consentement, la version française de cette vidéo d’animation avec la voix de Bernard Derome vaut le détour.