Et si nous prenions soin de nous ?

20 novembre 2017

Dans un texte publié dans Le Journal de Québec le 2 novembre dernier, Éric Tremblay, enseignant et blogueur pour Le Blogue des profs, partageait une vision très sévère de l’enseignement. Un texte qui, je dois le dire, a provoqué chez moi une réaction de tristesse.

Syndicats, commissions scolaires, directions, professionnels de l’éducation, collègues dont il ne faut pas froisser l’amour propre, collègues épuisés, collègues expérimentés dont les valeurs deviennent comme parole d’Évangile, détracteurs, tout et tous y passent !

Mais, en même temps, je ne suis pas vraiment surprise. Quand les moyens manquent, que la précarité prend de plus en plus d’ampleur, que les exigences augmentent à la vitesse des critiques, que, de l’extérieur, tout un chacun croit détenir LA solution aux problèmes en éducation, l’atmosphère s’alourdit… et il devient soudain si facile de nous critiquer les uns les autres.

« Enfin, si on tordait un peu le bras à certains enseignants pour qu’ils pensent davantage aux enfants en premier, on les entendrait probablement moins se plaindre de leur épuisement pour plutôt s’intéresser aux raisons fondamentales des problèmes vécus dans leurs classes. »

Hum… Peut-être que je me trompe, mais c’est exactement pour ces raisons que plusieurs vivent de l’épuisement, voire de la détresse.

À la toute fin de son texte, Éric Tremblay insiste : « Mais pour y arriver, il faut s’oublier et ne penser qu’aux enfants. » Curieusement, dans un texte d’opinion publié sur La Presse + ce dimanche 12 novembre et intitulé Parlons-nous assez des besoins des enseignants ?, Catherine Lavoie, jeune enseignante au primaire, suggère une perspective différente sur le sujet.

Alors qu’elle écoutait les consignes de sécurité à bord d’un avion, relate-elle dans sa lettre, elle a été surprise d’entendre ceci dans une vidéo : « […] lorsqu’on est en présence d’enfants, [il faut] mettre le masque à oxygène sur notre visage en premier et ensuite le déposer sur celui des enfants. » Ce n’est évidemment pas notre premier réflexe !

Catherine Lavoie termine son texte sur ces mots : « Aidons les enseignants à être aptes à se donner de l’oxygène d’abord, pour ensuite sauver plus d’enfants, et surtout, arrêtons de mettre toute la faute sur ces personnes qui s’oublient pour les autres. »

Mathieu Bernière, également enseignant et blogueur au Blogue des profs, répond aussi aux propos de son collègue, dans un billet paru le 7 novembre : « J’ai trop lu et vu d’enseignants tomber de s’être justement oubliés à force de ne penser qu’à leur engagement envers leurs élèves. […] À vouloir concevoir le projet parfait. Combien n’en dorment pas ? Combien s’absentent des mois, ou quittent carrément ? Combien se cachent pour ne pas faire preuve d’apitoiement devant l’adversité ? »

Il s’agit de deux visions diamétralement opposées : s’oublier pour le bien-être des élèves ou d’abord penser à nous pour être en mesure d’assurer leur bien-être. Dans les deux cas, l’élève est au cœur de chacun, peu importe le chemin emprunté.

« Nous sommes tous seuls dans nos classes à parfois nous croire uniques. Dans nos détresses, nos succès, nos victoires. C’est un avantage, mais aussi un terrible inconvénient. Cela nous isole, et je constate de plus en plus que nous faisons preuves (sic) entre enseignants d’une sévérité qui nous divise, dans un travail pourtant de plus en plus exigeant », souligne justement Mathieu Bernière.

Et cela est vrai pour tout le personnel de l’éducation : les enseignants, le personnel de soutien et les professionnels.

Dans nos milieux, les exigences et l’intransigeance de l’employeur sont de plus en plus grandes. Rares sont les tapes dans le dos, les bons mots. Même entre collègues, comme en témoigne cet échange sur Le Blogue des profs, la critique est facile parce que la pression est tangible.

Il s’agit là d’une pente dangereuse, puisque nous nous faisons du mal mutuellement. Comme l’a proposé Mathieu Bernière dans son texte, « Parlons-nous plutôt. Prenons un verre. » J’ajouterai : Portons sur nous et sur l’autre un regard bienveillant, sans préjugé, accueillant. Prenons soin de nous.

 

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