Un après-COVID différent ?

7 mai 2021

Depuis les quelque quarante dernières années, nous avons goûté à des phases successives d’austérité. La diminution de l’État, l’atteinte du déficit zéro ou encore une diminution des impôts et des taxes ont fait bonne figure dans la majorité des plateformes électorales, passant même dans la normalité du discours populaire.

Or, la pandémie aura mis en lumière les conséquences concrètes des coupes dans les réseaux de la santé et de l’éducation. Pénurie de personnel dans de nombreuses professions et corps d’emplois, salaires plus ou moins attractifs et qualité de l’air dans les établissements scolaires ne sont que quelques-unes des problématiques qui ont été révélées au grand jour.

Le néolibéralisme a grevé lourdement les budgets au secteur public. « Sous ce régime, l’État pouvait financer, subventionner, promouvoir les entreprises privées, mais il devait se garder d’administrer lui-même des secteurs économiques. Même pour les missions sociales, l’État a fait de plus en plus appel à du financement privé ou des prestataires privés », soulignent Mathieu Dufour et Guillaume Hébert, chercheurs à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) dans la brochure Économie du Québec – Comment planifier l’après-COVID ? Un choix entre austérité et résilience, publiée en février dernier.

Alors que la tendance politique depuis des décennies donc est de diminuer l’intervention de l’État dans le domaine public, la pandémie, elle, aura prouvé la nécessité du contraire. Sans l’intervention de l’État, l’économie aurait subi de plus graves conséquences.

Plus encore, impossible de passer sous silence à quel point le privé a failli à la tâche quand est venu le temps de faire face au virus. Plusieurs propriétaires de résidences privées pour personnes âgées (RPA) ont dû faire appel au gouvernement pour arriver à contenir l’hécatombe. Et nombre d’acteurs du secteur privé ont évidemment quémandé des subventions pour arriver à garder la tête hors de l’eau.

« Ainsi, alors qu’on leur répétait depuis belle lurette que les finances publiques n’avaient guère de marge de manœuvre, les Canadien·ne·s ont été stupéfaits d’assister à la mise en place d’une « Prestation canadienne d’urgence » (PCU) et d’une série de mesures de soutien aux entreprises dont les coûts ont porté le déficit du gouvernement fédéral à près de 400 milliards de dollars (G$) pour l’exercice 2020-2021 », rappellent Dufour et Hébert.

La pandémie nous aura certainement démontré que de l’argent, il y en a dans les coffres, que l’on parle du Québec ou du Canada. Elle a rappelé brutalement aussi que moins d’État, c’est moins de services offerts à l’ensemble de la population. Et que, plus encore, ce qu’on appelle les services publics, c’est-à-dire, les services à la population, constituent en fait un rempart essentiel pour combattre une pandémie.

Les derniers mois ont exposé clairement les limites du néolibéralisme. Il ne sera plus possible, au sortir de cette crise, de revenir aveuglément à ce qui prévalait avant, comme s’il n’y avait pas de leçons fondamentales à tirer de ce que nous avons collectivement vécu.

« C’est cette approche axée sur l’individualisme, les investisseurs privés et la concurrence qui a échoué et doit être renversée. » C’est vrai au regard de la crise sanitaire, mais aussi devant la crise climatique qui ne s’est pas évanouie malgré le tourment de la dernière année.

Les auteurs proposent d’opter pour un ensemble de politiques qu’ils désignent sous le nom de « double boucle de l’économie résiliente ». L’une des boucles « présente une alternative à l’allocation et la perception des ressources budgétaires dont le but est de favoriser une répartition de la richesse et une distribution des revenus plus justes ». L’autre « comprend des politiques qui ont pour objectif de transformer le mode de propriété et les finalités des institutions économiques afin de favoriser une transformation écologique bénéfique à tous et toutes ».

Intéressés par la réflexion de ce qui nous attend au sortir de cette pandémie? La publication de l’IRIS donne un point de vue digne d’intérêt et étayé. Bonne lecture!

Mireille Proulx
Coordonnatrice