Contrer la pénurie : Un pacte avec le diable?

19 novembre 2021

On exige de vous d’être disponible avant le début de votre quart de travail, durant votre période de dîner et, bien entendu, après votre journée de travail pour répondre à toute demande sollicitée par votre supérieur.

On exige que vous travailliez la fin de semaine quand cela vous est demandé pour nettoyer plus à fond les classes, pour faire de l’entrée de données, pour vider les ordinateurs de différentes écoles ou centres, pour préparer une journée d’activités à l’école et la liste s’allonge… Pas le droit de refuser sous aucun prétexte. En échange, on vous offre 15 000 $.

Ce montant peut paraître très alléchant. Mais regardons de plus près. Premièrement, vous recevrez, pour commencer, 5 000 $ qui peuvent être remboursables pour plusieurs raisons en tout ou en partie. Ce n’est qu’au bout de votre année de sacrifices que vous recevrez les derniers 10 000 $. Imaginez que vous vous absentiez pour une journée sans solde. Pouf, vos 15 000 $ disparaissent d’un coup !

Vous aurez compris le parallèle avec les primes offertes par le gouvernement pour contrer la pénurie de personnel dans le réseau de la santé. Certes, le ministre Dubé a rectifié le tir, mais juste un peu. « Bien que [le ministère de la Santé et des Services sociaux] affirme toujours que «  la seule circonstance où il y aura une perte d’admissibilité à ces montants, qui entraînera une demande de remboursement, est en cas de congé sans solde  », il précise toutefois qu’on parle ici d’une absence qui n’est pas autorisée. «  Par exemple, un travailleur de la santé qui ne rentre pas au travail sans un avis au préalable ni une raison valable n’aura pas sa prime  », précise le MSSS. » (La tribune numérique, 21 octobre 2021, Pierre Saint-Arnaud) Qu’est-ce qu’une raison valable ? C’est à la discrétion de l’employeur.

Vous apprenez que vous êtes enceinte, vous subissez malheureusement un accident de travail, vous êtes malade durant plusieurs jours; la prime sera amputée au prorata du temps travaillé. Normal, direz-vous. Or, il demeure qu’habituellement, les personnes ainsi touchées ne perdent pas leurs droits. Est-ce de l’opposition des représentantes syndicales des infirmières que d’avertir leurs membres des exigences de ce programme ? Est-ce de l’opposition de leur expliquer que durant l’application de ce contrat avec le gouvernement, la nouvelle convention collective est balayée du revers de la main ? Est-ce normal de vouloir préserver l’ancienneté des infirmières sur le plancher, qui travaillent depuis le premier jour de la pandémie, plutôt que d’accepter que les personnes parties à la retraite ou bien celles qui désirent revenir après avoir donné leur démission réintègrent leur place, donc leur ancienneté, tout bonnement ?

La campagne de recrutement du ministre Dubé bat de l’aile. Il lui fallait donc un coupable. Ne pouvant pas taper sur la tête des infirmières, ses anges gardiens, il s’est retourné vers les représentantes syndicales de celles-ci, laissant entendre qu’elles ne représentent pas leur base. Informer son monde, questionner un ministre, faire entendre la réalité de ses membres, ce n’est pas travailler contre un projet, mais bien s’assurer que ce dernier n’enlève pas de droits aux travailleuses et travailleurs représentés et qu’il atteigne les réels buts recherchés.

Mireille Proulx coordonnatrice