Lettre à Gregory Charles

4 mai 2022

J’ai lu, avec attention, votre cri du cœur pour l’éducation lancé dans l’article d’Alexandre Pratt, dans La Presse du 24 avril dernier. Alors que je m’attendais à un plaidoyer pour l’école publique, l’égalité des chances et une école inclusive pour tous les élèves, j’ai été confrontée à une vision à des années-lumière de cela!

Vos propos, simplistes par moment, archaïques à d’autres, de même qu’élitistes, m’ont laissée sans voix. Contrairement à vous qui avez de la voix et qui connaissez la chanson, moi, je suis demeurée muette plusieurs minutes.

Propos simplistes, disais-je? Vous soulignez l’idée d’intégrer les camps d’été à l’école au mois d’août. Le matin, c’est la classe; l’après-midi, la piscine! Certainement pas les piscines des écoles. Les élèves de 12 classes dans la piscine publique du coin? À la limite, va pour les écoles primaires. Mais au secondaire, à l’éducation des adultes, à la formation professionnelle, on va à la piscine?

Propos archaïques, disais-je? « Gregory Charles ne comprend pas non plus notre obsession de vouloir enseigner aux garçons et aux filles dans la même classe. “Encore là, personne de sain d’esprit ne va te dire qu’à 16 ans, les garçons et les filles ont la même maturité.” ». C’est une façon de voir les choses. Toutefois, quand je mets vos propos en lien avec ce qui suit, je suis inquiète.

« Quand on a décidé de sortir les communautés religieuses de l’enseignement, poursuit-il, c’était une décision correcte. […] Sauf que [les gouvernements] ont mal calculé leur affaire. Tes édifices ne te coûtaient rien. Tes profs ne te coûtaient rien. En plus, ils étaient disponibles 20 heures sur 24. Oui, ils ont fait des affaires croches. C’est vrai. Mais les édifices… Le personnel… Je pense que le calcul n’était pas tout à fait clair. »

Des affaires croches!? Les violences physiques, psychologiques? Les violences sexuelles? Sans compter les ignominies qu’ont subies les peuples autochtones. Renseignez-vous sur les frères de guerre, ces hommes qui sont entrés dans les ordres pour éviter celle-ci. Croches? Non, abjectes, indicibles.

Les édifices ne coûtaient rien, tout comme les profs! Ils étaient disponibles 20 h sur 24. Les gouvernements ont mal calculé leur affaire, dites-vous. Donc, les garçons d’un bord, les filles de l’autre, la vocation au centre et swinguez votre compagnie… Votre notoriété ne vous donne pas le bénéfice de comprendre les besoins du milieu. Prêtez l’oreille aux propositions du personnel de l’éducation, vous saisirez mieux les enjeux.

Propos élitistes, disais-je? « Parce que l’éducation est gratuite, c’est comme si elle n’avait pas de valeur. […] Si j’annonce des billets à 5 $, je n’en vendrai pas plus qu’à 50 $. Parce que si le billet n’est que 5 $, les spectateurs se diront que le spectacle ne doit pas être bon. La même logique s’applique aux écoles. » Toutes les écoles deviendraient privées? N’enseigner qu’à ceux qui peuvent se le payer? Vraiment?

Cependant, je vous donne entièrement raison sur ce point : des états généraux en éducation seraient de mise. Je vous invite à regarder le site web de Debout pour l’école! Mais en attendant, Monsieur Charles, prenez le temps de lire les écrits de Guy Rocher, grand sociologue, qui a fait partie des rédacteurs du Rapport Parent. L’école gratuite, c’est la démocratisation de l’éducation accessible pour tous. Une chance égale de réussir dans la vie.

Mireille Proulx
Coordonnatrice